Cracked Pier, Haeui-do, Shinan, South Korea, 2013 © Michael Kenna
Box Galerie 102 chaussée de Vleurgat 1050 Bruxelles Belgique
Depuis plus de trente ans qu’il se consacre à la photographie, Michael Kenna ne s’est jamais
préoccupé des modes, réalisant inlassablement des images de paysages le plus souvent paisibles
qu’il propose au travers de petits tirages argentiques (aux alentours de 20 x 20 cm) toujours
effectués par ses soins.
Plus qu’à contre-courant, il navigue hors des courants, poursuivant sa propre logique, son instinct,
ne se souciant ni des tendances ni des diktats du marché de l’art.
Cela ne l’empêche pas, bien au contraire, d’être internationalement reconnu et apprécié, exposé,
publié, collectionné. S’il se présente lui-même comme une « aberration », il n’est pas pour autant
incompris ou mésestimé.
Si Kenna parcourt le monde en tous sens et à longueur d’années – ne s’arrêtant brièvement que
pour réintégrer sa chambre noire –, ce n’est pas tant pour le découvrir que pour le photographier,
pour incorporer tel ou tel endroit à son propre univers.
Il ne cherche pas plus à le décrire comme peuvent ou ont pu le faire avant lui des photographes
documentaires, mais entreprend au contraire de capter et transcrire en images ce qu’il a ressenti
face aux lieux où il a choisi de planter sa caméra.
Ce qu’il montre n’est pas ce qu’il a vu ou ce que nous pourrions voir in situ. En privilégiant des
moments a priori peu propices à la photographie – l’aube, le crépuscule, voire la nuit – et en
recourant à de très longs temps de pose – de quelques secondes à plusieurs heures – Michael
Kenna fait en sorte que la pellicule enregistre des phénomènes imperceptibles à l’œil nu : les
nuages s’étirent à l’infini, la course des étoiles strie le ciel, la surface de l’eau acquiert une opacité
lactée,…
Ses images sont dès lors moins des paysages que des impressions, qu’un sentiment du paysage.
En cela, sa vision est résolument celle d’un romantique.
Cette volonté de transcender le réel, Kenna la poursuit par son travail en laboratoire : ici il
cherchera à magnifier son sentiment par la mise en lumière du moindre détail ; là, à l’opposé, il
accentuera les effets de brume, ne laissant apparaître que l’essentiel, ou encore tendra au
minimalisme par l’épure radicale, en ne gardant que les valeurs les plus extrêmes, le blanc pur et
le noir profond.
Cette exposition – la troisième que nous dédions à son travail depuis l’ouverture de la galerie –
rassemble exclusivement des images faites ces dernières années en Extrême-Orient, dont on sait
depuis longtemps qu’il attire le photographe comme un aimant.
Outre celles ramenées de Chine et du Japon – «le» territoire par excellence de Kenna –, on pourra
y découvrir des photographies réalisées dans l’archipel de Shinan, au sud-ouest de la Corée. Cet
archipel constitué de 1004 îles souvent minuscules et préservées est surnommé «l’île des anges ».
Depuis 2012, Kenna y a effectué quatre séjours qui lui ont permis d’augmenter sont corpus d’un
nombre considérable d’images somptueuses.
Tout comme le pays du Soleil levant, Shinan semble cristalliser l’ensemble de ce qui rejoint les
préoccupations du photographe et correspondre à son esthétique.
La nature photographiée par Kenna n’est que rarement vierge, mais domestiquée, en tout cas
investie par l’homme. Tout en étant physiquement exclu de l’image, l’humain est présent par les
signes et les traces de son passage sont innombrables.
Cette absence de toute figure humaine permet en outre au spectateur de s’approprier le paysage
qu’il contemple, de s’y investir pleinement.
Cette projection est encore facilitée par le petit format des tirages : rien ne s’impose à celui qui
regarde mais l’invite à un rapport plus intime.
Les photographies de Michael Kenna ne s’appréhendent pas «en passant», à la sauvette. Elles ne
se révèlent qu’au prix d’un effort, d’une disponibilité. Ce n’est que dans ces conditions qu’elles se
dévoilent, que leur magie peut opérer.
La rencontre est alors on ne peut plus gratifiante.
Alain D’Hooghe
Yuanyang, Study 1, Yunnan, China, 2013 © Michael Kenna
Bamboo and Tree, Qingkou Village, Yunnan, China, 2013 © Michael Kenna
Photographies et vignette © Michael Kenna