© Mathieu Pernot
Frac Bretagne 19 avenue André Mussat 35000 Rennes France
Invité en résidence par le Centre d’Art et de Recherche GwinZegal/Guingamp en 2011*, Mathieu Pernot présente pour la première fois le fruit de son travail initié en Bretagne. Ligne de mire est composée de douze photographies et d’une vidéo, réalisées autour des blockhaus de la seconde guerre mondiale qui parsèment les côtes normandes et bretonnes. Partant de cette architecture de défense militaire, l’artiste mène à la fois une réflexion sur la nature du paysage observable à travers les fenêtres de tir et une expérimentation du procédé à l’origine de la photographie, la camera obscura.
«[...]Dans la série Ligne de mire, Mathieu Pernot croise, dans un même geste, les principes de la camera obscura et de la technologie photographique contemporaine. Il inverse le dispositif optique de surveillance d’architectures militaires en transformant des postes d’observation en chambre d’enregistrement de l’image. L’œil se retourne sur lui-même. Le paysage de guerre fait place à un espace d’imagination. En considérant les images ainsi réalisées, avec leur tonalité sombres, bleus, terres, noirs, gris, sables, blancs, traces de coups, lignes de béton décoffré, bords un peu tremblés des surfaces de couleur, on s’interroge sur la nature de ce qui se donne à voir : entre peinture et image projetée, perspective et aplat de couleurs, figuratif et abstrait. A travers l’archaïsme du dispositif utilisé, une mise en jeu de la représentation est ici convoquée avec des photographies évoquant tout à la fois les peintures rupestres et pariétales, les fresques picturales de l’Antiquité ou des images vidéos projetées sur un écran blanc, dans une forme de condensé de l’histoire de l’image.
© Mathieu Pernot
Ces murs sur lesquels se projettent les images inversées ne sont ni anodins ni neutres. Ils appartiennent aux bunkers du Mur de l’Atlantique, né de la volonté du IIIème Reich d’ériger une barrière infranchissable, mis en oeuvre par l’ingénieur allemand Michael Todt. Le béton est fait du sable et des galets des plages, immense affaire de travaux publics, marché juteux de la collaboration entre 1941 et 1944. Vieille de soixante-dix ans, chaque paroi, marquée de graffitis et d’impacts de tirs, partiellement repeinte, sert de support à l’image, parmi les restes de mobilier, bouts de tuyaux, clous. Le mur devient palimpseste. Les fantômes du XXe siècle traversent les photographies de Mathieu Pernot pour raviver nos mémoires.[...]»
Extrait du texte d’Hélène Puisieux, «D’étranges airs de paysages» in Ligne de mire, Editions GwinZegal, 2013
Commissaire : Jérôme Sother, GwinZegal
Photographie et vignette © Mathieu Pernot