GaÏa sous la lune © Jean-Louis Sarrans
Photographe depuis trente ans, Jean-Louis Sarrans se consacre depuis une dizaine d’années à un travail intime et essentiel : photographier et filmer non pas ce qu’il voit, mais ce qu’il perçoit du rapport de l’Homme au Monde, depuis sa création jusqu’à sa probable disparition. Tenant à distance l’urgence et l’ambition d’objectivité du reporter, il prélève par touches, aux quatre coins du globe, les images propres à retranscrire le continuum cette quête sensible.
« Mon esprit s’aventure depuis toujours au plus profond de l’univers, il m’a permis de rapporter de l’obscurité et de la fulgurance du chaos les plus objectives des réponses, à, ainsi, lentement... en me pénétrant d’un jeu infini de hasard et de nécessités, me retrouver face à la beauté absolue. »
Jean-Louis Sarrans
Le sens de l'éternité © Jean-Louis Sarrans
« Le jardin sans maître » par Marguerite Pilven
Les visions oniriques construites par le photographe plasticien Jean-Louis Sarrans s’abordent comme une suite d’allégories. Par des jeux de résonnances ou de contrastes entre différentes images, il met en place un réseau évocateur des différentes temporalités qui composent l’univers : l’une, millénaire, visible dans la concrétion des glaciers, mais aussi celle du végétal, du minéral ou du règne animal. Jean-Louis Sarrans rompt avec une vision anthropocentrique du monde, ainsi que le suggère le titre de l’exposition : « le jardin sans maître. »
Ce rejet d’un point de vue rationnel sous-tendu par une volonté de maîtrise du monde s’exprime par un parti pris d’accrochages combinant plusieurs images entre elles. Le regardeur est incité à saisir ces ensembles organisés de façon plus intuitive que narrative. Jean-Louis Sarrans déborde l’image isolée pour lui faire dire autre chose. Une femme alanguie au bord d’une piscine apparaît soudain comme un éphémère moment de vie, une fois rapprochée d’une chaîne de glaciers. Le contraste entre ces deux images, l’une intime, l’autre spectaculaire radicalise l’échelle de leurs temporalités respectives.
Roland des siens voit l'incroyable perte © Jean-Louis Sarrans
L’autre parti pris est chromatique. La polarité du chaud et du froid, du terrestre et du liquide ou du masculin et du féminin rythme ces ensembles. Omniprésent dans ces assemblages d’images, le bœuf blanc est employé par Sarrans comme un symbole qui évoque tout à la fois la fois la vitalité et l’instinct grégaire, l’un et le multiple. Le taureau blanc fait également écho à celui de l’Enlèvement d’Europe. Il évoque aussi les chevaux blancs tirant le char des époux dans le Triomphe de la Chasteté peint par Piero della Francesca, et incarnant pour Sarrans la marche du temps.
Par ces ensembles, Jean-Louis Sarrans transmet un peu de ce vertige qui nous saisit lorsque nous prenons conscience de ce qu’est exister. Il évoque le cycle de la naissance et de la mort, de la prodigalité et de l’épuisement des ressources, la fragilité d’une condition humaine que nous partageons malgré nos différences. Mais son univers, plus fasciné que mélancolique, célèbre avant tout « l’absolue dimension créative de la mécanique céleste. »