
Ataraxie,2010 © Michel Nguie
Le soixante-neuf 69 rue Mandron 33 000 Bordeaux France
Jʼaime les photos de Michel Nguie pour plusieurs raisons. Tout dʼabord parce que nombre dʼentre elles, sous le jour de la simplicité, laissent transparaître un je-ne-sais-quoi dʼimpalpable qui entrouvre la porte à des interprétations complexes et savoureusement dérangeantes. Aussi ces photos-là intriguent-elles tout en gardant leur mystère.
La deuxième raison est que les clichés traversés, de manière soit brutale, soit insidieuse, parle rayon noir de la mort, sʼaffranchissent du pathos souvent de mise dans le traitement de ce thème. Michel Nguie dédramatise les images où les armes sont présentes, et rend gentiment respirables celles des humains en fuite, perdus dans lʼimmensité de leur désarroi existentiel.
La troisième raison est que la plupart des photos mʼamènent à évaluer leur part de mise en scène. Un peu? Beaucoup? Beaucoup trop? Cʼest un jeu plaisant qui attise le désir de percer une énigme ; une interrogation le plus souvent sans réponse, confortant lʼidée que Michel Nguie est, sans avoir lʼair dʼy toucher, un illusionniste habile à créer un monde où fusionnent mystérieusement fiction et réalité.
Claude Bourgeyx, écrivain
5.00 am, © Michel Nguie
La démarche photographique de Michel Nguie doit avant tout à son exigence qui semble venue de nulle part, à son innocence déconcertante et à son tranchant très particulier, toute la profondeur des échos quʼelle suscite et affûte sans avoir lʼair. Si elle évoque lʼunivers dʼun quotidien urbain à la fois central et périphérique, vécu et rêvé, et la confusion des frontières et des registres, ce nʼest pas pour la revendication dʼune posture esthétique et pour la seule satisfaction de manipuler avec agilité et élégance des doses dʼétrangeté.
Ce photographe sʼobstine à mélanger réalités brutes et fictions acérées, non point par simple jeu, mais parce quʼil reconnaît dans les interrogations et les fantômes de cette matière des signes de sa fragilité humaine. Il faut donc accueillir ses images avec cette attention nécessaire à toute tentative dʼexploration dʼun monde que nous habitons et qui nous habite sans en connaître jamais toutes les ressources et les horizons, toutes les continuités et les cassures.
Il nʼy a pas ici de passage dʼune rive à lʼautre, du connu à lʼinconnu, car dʼemblée chaque image se situe et nous entraîne au cœur de ce grand tourment, où les extrêmes cessent dʼêtre contradictoires, où tout repère est lʼobjet de sa propre perte, et où nous regardons avec la recharge poétique de tout ce qui nous construit en nous échappant.
Didier Arnaudet, écrivain et critique dʼart
Cosmopolis, © Michel Nguie
Cela faisait à peine un an et demi que Michel Nguie pratiquait la photographie en autodidacte lorsque j'ai découvert son travail. Je fus saisi par son habilité à retranscrire un état d'esprit, celui de sa génération, entre liesse collective et désoeuvrement, frivolité et prise de conscience douloureuse, dans la lignée d'un Wolfgang Tillmans, ou d'une Nan Goldin. Ce qui est le plus étonnant, c'est la manière dont les environnements reflètent les humeurs de ces personnages pris sur le vif : tour à tour élégiaques et sordides.
Charlotte Laubard, directrice du CAPC
Pyla, © Michel Nguie
Photos et vignette © Michel Nguie