© Dominique Delpoux
Galerie de l'artothèque 52, rue Poterie 35500 Vitré France
Le portrait
Depuis vingt ans, la question du portrait est au cœur du processus de création de Dominique Delpoux. Loin de se situer comme certains photographes dans une volonté de déconstruire le portrait canonique, il élabore une œuvre capable de donner une image significative de ses contemporains.
Les sujets presque exclusivement photographiés en plan américain sont abordés dans une frontalité, une rigueur distanciée donnant à ses images une valeur d’attestation, de témoignage venant avant tout informer. Le médium photographique est utilisé pour ses qualités inhérentes, sans altération de ses caractéristiques : objectivité, précision et clarté du rendu des détails, enregistrement automatique de la réalité, etc. La mise en place d’un dispositif rigoureux situe explicitement l’œuvre de Dominique Delpoux dans le style documentaire. Comme le souligne Christian Caujolle dans un texte qu’il consacre au photographe en 2006 : « Cette notion, longtemps méprisée par les tenants des « Beaux Arts » ou plus récemment, de la « Photographie Plasticienne », a retrouvé récemment sa place à la fois dans le champ de la photographie et dans celui des arts visuels grâce, entre autres, aux études et expositions consacrées à l’allemand Auguste Sander. » August Sander élabora entre 1920 et 1964 (date de son décès), le travail ambitieux de cartographier la société allemande de son temps en photographiant des personnalités connues du monde intellectuel et politique ainsi que des portraits d’inconnus, citadins ou paysans avec le costume de leur état et dans un environnement les qualifiant sociologiquement.
Comme chez Auguste Sander, l’approche de Dominique Delpoux est liée à des questions sociales. « Elle interroge le monde d’aujourd’hui, en se démarquant du reportage, de l’anecdote, du récit, de tout « instant décisif » et en mettant en place des dispositifs contraignants qui seront productifs de photographies exigeant de la part de celui qui regarde une réflexion allant au-delà de la seule contemplation – ou consommation– de l’image. C’est donc tout naturellement (autre caractéristique du style documentaire) que le travail s’organise par séries qui, à chaque fois, traitent du quotidien, voire du banal, mais le mettent en crise et nous demandent d’être attentif à tout ce qui n’est pas spectaculaire dans notre société mais fonde les fonctionnements. Pour prendre un seul exemple, celui des uniformes, pourquoi, et comment, tous ces individus vêtus de la même manière restent-ils différents, pourquoi et comment conservent-ils leur identité propre alors que les signes vestimentaires ont pour fonction de les rendre « identiques » au nom d’une pratique professionnelle ? »
© Dominique Delpoux
L’univers du travail
Pour Dominique Delpoux, l'univers du travail est un terrain d'exploration privilégié lui permettant de mener ses expériences sur le portrait commencées en 1993 avec sa série sur les couples de mineurs de Carmaux.
Lorsqu'en 1997 il honore une commande en proposant de photographier les ouvriers du chantier du théâtre national de Toulouse, une première fois le matin, puis une deuxième à la fin de leur journée de travail, il pose alors la question de l'influence du temps sur le portrait. Lorsqu'en 1998 il demande aux employés du textile de Castres, de poser d'abord à leur poste de travail, puis ailleurs, dans le lieu, l'attitude et la tenue de leur choix, c'est cette fois l'influence de l'environnement qu'il interroge. Dans un cas comme dans l'autre, les décalages perceptibles dans ses photographies (parfois à peine, parfois avec une évidence stupéfiante) nous confrontent à notre propre dualité, voire notre duplicité.
Dans l’usine de métallurgie Cofra à Ambès en Gironde, réalisée en 2010, Dominique Delpoux photographie chaque volontaire devant l'usine en début et en fin de poste puis dans les vestiaires à l'issue de la douche. Le triptyque est construit comme suit : la première image est composée des portraits réalisés en "début de journée", les "fin de journée" constituent la deuxième et les « dans les vestiaires », la troisième. Ainsi présentées, les notions de solidarité et d'interdépendance au travail sont évoquées tout comme apparait l'alternance jour/nuit conséquence des décalages de postes.
© Dominique Delpoux
L’abattoir
Dans sa série L’abattoir réalisée durant le second trimestre 2012 dans la Société Vitréenne d’Abattage Jean Rozé (SVA), Dominique Delpoux choisit de photographier les employés à leur poste de travail mais également chez eux afin de dresser notamment, par un jeu de diptyque, un portrait social de ceux qui participent au développement d’une des plus importantes entreprises agroalimentaires du territoire breton. Cette œuvre se situe dans le prolongement de l’articulation avant/après que l’on retrouve dans d’autres de ses séries comme Les hommes du chantier (1997-1998), Double Je (1998-2002), Les maires (2003), Les boxeurs (2008).
Ici, dix-neuf employés de la chaîne de production ont été photographiés indépendamment. Chaque individu est présenté dans deux environnements distincts. Le premier portrait est saisi dans le milieu professionnel, le second est réalisé dans l’habitation du modèle. Dans ce travail, Dominique Delpoux pose notamment la question de l'influence de l’environnement sur le portrait, de la reconnaissance et de l’identification.
La résidence de création
Cette exposition de Dominique Delpoux est issue d’une résidence de création organisée par l’artothèque de Vitré avec l’aimable participation des employés et de la Société Vitréenne d’Abattage Jean Rozé (SVA- Jean Rozé).
Photos et vignette © Dominique Delpoux