
Kwang Mo, Third Story, Gesture for Tourist, 2006
Galerie Paris-Beijing - Hôtel Winssinger 66, rue de l’Hôtel des Monnaies 1060 Bruxelles Belgique
Pour la rentrée de Septembre 2013 la Galerie Paris-Beijing est heureuse d’accueillir New Photography in Korea une exposition collective consacrée à la création photographique de ces dernières années en Corée.
À partir de la fin du 20ème siècle la Corée a connu un développement économique fulgurant, conduisant le « Pays du matin Calme » à passer du rang de pays basé sur une économie rurale à un pays fortement industrialisé.
Deux grands évènements ont propulsé la Corée vers la démocratie et la globalisation : le mouvement pro-démocratique de 1987 et les Jeux Olympiques de Séoul de 1988. Les bouleversements sociologiques et environnementaux qui ont suivi, accompagnés de l’oppressante dichotomie qui oppose la Corée du Sud à son gênant frère ennemi du Nord, constituent la clé de lecture pour comprendre l’expression artistique et en particulier le développement du medium photographique.
La photographie s’est imposée comme le témoin des changements rapides de l’environnement et du développement effréné des paysages urbains. Un moyen si adaptable qui s’est vite révélé comme l’outil de prédilection d’une génération d’artistes désireuse de traduire le malaise et l’incertitude qui se sont emparés de la société coréenne. En quelques années sa capacité à capturer les conséquences du dynamisme économique et social, a permis à la photographie de devenir le centre d’intérêt autant dans le marché de l’Art que dans un débat purement esthétique.
Les années 1980 sont marquées par le retour en Corée d’une jeune génération de photographes partis en Occident pour suivre leurs études. Quelques grands noms tels que Bae Bien-U et Bohnchang Koo, pour n'en citer que quelques-uns, ont participé au développement de la photographie coréenne contemporaine.
Grâce à une approche conceptuelle inédite en Corée, ces artistes ont eu une grande influence sur une nouvelle génération de photographes.
Au début des années 1990 les musées et les galeries consacrent une partie plus conséquente de leur programmation à la photographie. De nombreuses grandes expositions comme « The Horizon of Korean Photography » (1991) et « Modern Korea Perspective » (1993) ainsi que « Flow of Korean Photography » (1995) ont contribué à faire évoluer la position de la photographie en tant qu’art majeur.
Dans les années 2000 le développement de la photographie numérique a modifié la perception d’une pure représentation de la réalité vers un développement technique capable de forger et de remanier cette réalité. La photographie digitale repousse les frontières du possible en donnant l’opportunité d’explorer le lien entre fiction et réel.
En 2002 The Museum of Photography voit le jour à Séoul, il est le premier musée dédié entièrement à la photographie Coréenne. La Biennale de Daegu, créée en 2006, constitue un autre exemple du rôle croissant que la photographie contemporaine exerce actuellement dans la vie culturelle du pays. Aujourd’hui les villes de Séoul, Busan et Gwangju abritent un nombre croissant de musées, de galeries d’art et de manifestations culturelles de renommé internationale.
New Photography in Korea constitue une sélection d’une vingtaine de photographes coréens représentatifs des principaux courants photographiques actuels et soucieux d’exprimer par leur vision la complexité et la richesse de leur identité. Photographie introspective ou sociologique, photographie de mode, d’architecture, photographie plasticienne ou bien encore mise en scène.
L’urbanisation, la globalisation, la consommation, l’identité, la culture, la mémoire, la famille, la sexualité, les tissus sociaux. Autant de thèmes abordés par cette génération d’artistes nés du miracle Coréen et qui ont déjà atteint une reconnaissance internationale.
© Hyo Jin In, High School Lovers, Stiletto-02, 2007
Sohee Kim
Le développement économique spectaculaire du pays s’est accompagné d’un bouleversement du modèle familial traditionnel et des valeurs sociales. L’obsession nationale pour la réussite impose à chaque individu, dès l’enfance, une intense pression scolaire puis professionnelle. Laissant peu de place au plus fragiles. À l’instar du Japon, la Corée arrive dans les premières places des pays connaissant les plus forts taux de suicide. Interpellée par ce fléau qui frappe la société coréenne, la photographe Sohee Kim s’interroge sur les causes de ce geste extrême en mettant en scène de manière poétique et esthétique des portraits de suicidaires.
Ayoung Kim
Ayoung Kim aborde le thème de la mort à travers sa série Ephemera Ephemeral dans laquelle elle recrée des scènes de meurtres puisées dans les rubriques de faits divers des journaux. Ces scènes sont le reflet du malaise et du questionnement fondamental de l’être humain : si le monde apparaît comme étant dominé par un désordre absolu pourquoi continuer à vivre notre vie avec autant de détermination ?
Le message d’Ayoung Kim se traduit par des scènes délibérément naïves composées de constructions tridimensionnelles en carton-pâte qui portent le titre original du fait divers qui les a inspirées. Leur apparente fragilité insiste sur le côté dérisoire et incertain de notre existence.
Jeongmee Yoon
Après avoir réalisé que sa propre fille faisait partie malgré elle partie d’un phénomène « gender-specific » imposé par les campagnes marketing des grandes marques de jouets, Jeongmee Yoon analyse l’influence de la société de consommation sur notre inconscient, notamment sur nos repères identitaires de genre. Dans sa série Pink and Blue, elle fait poser de jeunes enfants coréens et américains dans leurs chambres respectives entourés de leur collection de vêtements, d’objets et de jouets : le bleu est la couleur dominante pour les garçons, et le roses pour les filles. Cette affirmation est valable pour des groupes d’ethnies différentes issus de milieux culturels très variés. Les poses et les expressions des sujets jouent également un rôle très important à travers ces impressionnantes compositions.
In Sook Kim
Dans les Années 1990 le pluralisme, devenu l’idéologie dominante, a marqué un mouvement d’intérêt vers la sphère microscopique de la vie ordinaire des individus. La nouvelle culture urbaine caractérisée par un changement des valeurs a énormément inspiré l’expression photographique.
Dans ses mises en scène de la série Saturday Night, In Sook Kim nous projette face au vide et à la solitude de la société moderne. Un samedi soir notre œil, poussé par une certaine dose de voyeurisme, se promène à l’intérieur des chambres d’un hôtel à l’architecture froide et épurée.
Les 66 fenêtres deviennent des larges baies vitrées ne laissant plus subsister aucune barrière entre le spectateur et les occupants: chaque chambre est le résultat d’une composition extrêmement minutieuse et psychologique. La mise en scène analyse une échappatoire à la menace de notre isolement tout en soulignant l’opposition entre le plaisir et la douleur, l’extase et la perdition. L’alcool, le sexe, le jeu, les drogues, les antidépresseurs mais encore la télévision ou les ordinateurs sont des tentatives futiles qui visent à combler le vide de notre existence. Cette œuvre condense en une seule grande image toutes ces actions. Il s’agit là d’une prouesse technique d’une complexité rare qui a demandé à l’artiste plusieurs années de travail.
Seung Hoon Park
Dans sa série Textus, Seung Hoon Park crée une mosaïque d’architecture urbaine à l’effet étouffant à travers un processus de superposition de films 16 mm.
Il reproduit les grands ensembles immobiliers, les barres d’immeubles sans fin, les longs boulevards, les voies ferrées et d’autres milieux hyper-urbanisés qui forment un labyrinthe inextricable où la vue perd ses repères.
Suntag Noh
La Corée souffre de sa condition de nation divisée, où les idéologies s’opposent, le militarisme et le nationalisme versus la démocratie et le consumérisme. L’histoire complexe de la Corée a profondément modifié la conscience collective et après plus d’un demi-siècle de division, cette dichotomie continue à provoquer les artistes.
Suntag Noh regarde la Corée du Nord avec un certain détachement. Sa série Red House est le résultat d’un voyage officiel de presse en Corée du Nord au moment de la grande parade annuelle dans le stade de Pyongyang pour la célébration de la grandeur du régime de Kim Jong Il en 2005.
Ses images dépassent largement la notion de reportage avec des plans serrés en très grand format sur ces milliers de danseurs tous semblables. Ses photos presque surréalistes se concentrent sur la synchronisation parfaite des danseurs et des chorégraphies chargées de pathos et de monumentalité.
Soutenus par une pyrotechnie aux accents dramatiques, les exercices sont exécutés par plus de 100.000 intervenants. Le photographe se concentre sur des scènes de détail opérant ainsi un transfert entre la masse et l’individu, afin de faciliter l’interprétation de la symbolique liée au totalitarisme.
Une beauté étrange qui cache cet acte de violence inouïe qu’est le contrôle total des masses.
© Suntag Noh, Red House, No. 28, 2005
Kyoung Soo Kim
Dans la série The full moon story de Kyoung Soo Kim nous retrouvons une nécessité de trouver un lien avec la culture traditionnelle. Un sentiment de sérénité et douceur dégage de ses images caractérisées par des tons pastel et une lumière douce.
Sous demande du magazine Vogue Corée le photographe remet le Hanbok (habit traditionnel Coréen) au goût du jour mis en exergue par l’utilisation d’un décor neutre et le visage presque surréel des modèles.
Wong Seoung Won
Les contes et les légendes coréens sont la source d’inspiration de la série My age of 7 de Wong Seoung Won. Grâce aux techniques de recomposition numérique l’artiste nous livre de sublimes fresques narratives aux paysages idylliques, souvenirs de ses rêves d’enfant. Un travail très personnel qui évoque avec une certaine nostalgie l’époque d’une Corée encore rurale où elle a grandi.
Chan Hyo Bay
Les œuvres de Chan Hyo Bay renvoient aux problématiques identitaires liées au multiculturalisme. Expatrié en Grande Bretagne, le photographe explore de façon provocatrice l’univers de l’aristocratie britannique en se glissant dans la peau des femmes en costume d’époque. Dans la série Existing in Costume son travestissement est une sorte de métaphore du procédé d’intégration dans son pays d’accueil. L’artiste garde souvent dans ses mains un objet qui symbolise sa culture d’origine.
Dorothy M. Yoon
Dans le travail de Dorothy M. Yoon, nous retrouvons une autre approche aux thématiques identitaires. Ses photographies fortement esthétiques subliment la beauté hybride de ses personnages : les traits délicats de la femme coréenne au teint de porcelaine se mélangent aux canons de beauté de la femme occidentale, blonde aux yeux bleus. Ses sujets aux costumes baroques apparaissent froides et insaisissables.
Hein Kuhn Oh
Jeunes, fraîches et innocentes, les Cosmetic Girls de Hein Kuhn Oh ont un regard fixe et l’air sérieux. Malgré leurs poses presque sévères, ces jeunes adolescentes nous apparaissent fragiles et en quête de repères. La force introspective de ses portraits nous renvoie au malaise du questionnement identitaire de ses personnages, confrontés aux effets de mode et aux influences occidentales.
Hyon Jin
Hyon Jin explore les relations amoureuses des jeunes couples lycéens. Ses mises en scène touchantes et réalistes aux cadrages très serrés rappellent l’esthétique des films de Gus Van Sant et nous plongent dans l’univers fragile de l’adolescence avec ses recherches, ses découvertes et ses premiers amours.
Sang Hyun Lee
Dans sa série Three Thousand Court Ladies, Sang Hyun Lee joue avec le décalage entre l’ancien et le moderne. À partir d’images d’archive qu’il modifie et juxtapose numériquement, le photographe donne vie à des images atemporelles chargées de poésie et de mystère.
Mo Kwang
Les photos aux tons sépia de Mo Kwang nous font voyager dans un univers onirique. Des images énigmatiques capables toutefois de provoquer une sensation d’apaisement chez le spectateur. Une composition dichotomique et une brillance particulière caractérisent les œuvres de la série Third story, ses personnages hors du temps sont les habitants d’un monde désertique et surréel.
Sung Soo Koo
Une réalité spectaculaire aux limites de la fiction nous révèle l’acte photographique dans son essence. Considérée comme son œuvre majeure, Magical Reality de Sung Soo Koo est caractérisée par le choix d’une chromatique homogène et par la couleur saturée de ses images. Les objets appartenant au quotidien ainsi que les fades paysages urbains dépeuplés sont magnifiés grâce à une savante manipulation de la lumière. Malgré la vivacité des teintes, les scènes possèdent quelque chose de tragique : une perception déformée de la réalité qui reflète le sentiment d’isolement et d’aliénation de l’artiste.
Duck Hun Hwa
À l’aide d’un appareil photographique très grand format, Duck Hun Hwa, nous livre une ode à sa ville natale, Busan, deuxième grande ville du pays.
Une série techniquement irréprochable où l’architecture de la ville, à l’allure d’un port grec des Antipodes, est sublimée par une grande maîtrise de la couleur et du cadrage.
Han Sungpil
Han Sungpil examine le rôle ambivalent de la photo en tant que représentation de la réalité. Dans l’ère digitale, la photographie s’éloigne vers les frontières avec la peinture, pour atteindre une forme d’art hybride.
Dans sa série Façade, l’artiste explore la perméabilité entre le réel et l’idéal. Ses photographies rappellent les peintures en trompe l’œil qui cachent parfois les échafaudages des bâtiments en rénovation. Un jeu de composition qui révèle une grande passion pour l’architecture et les espaces urbains.