© Cyrile Crépin
Maison de la Culture d'Amiens 2 place Léon Gontier 80000 Amiens France
In vU
Le monstre, c’est le vivant de valeur négative. C’est dans un but purement artistique que j’ai entrepris cette série de photographies, la défiguration, le corps substance, le portrait et la mémoire. Devenues tabou après la première guerre mondiale avec l’apparition des « gueules cassées » et pourtant attraction des masses populaires dès 1812 en Angleterre, les personnes anormales ou défigurées sont aujourd’hui obligées de se cacher pour exister.
Entre tératologie et tableau vivant, fresque moyenâgeuse et peinture de Vélasquez, je m’efforce de rendre beau l’insoutenable, pénétrer le regard du sujet, franchir la barrière de la chair difforme pour atteindre son humanité la plus profonde, Diane Arbus tendait à montrer les tressaillements de l’âme humaine, derrière l’horreur, l’accident ou les malformations l’âme elle reste intacte, en comprenant la pathologie, en écoutant la détresse et le désir d’acceptation d’une foule toujours plus avide de sensationnalisme, tout en évitant d’exposer une pornographie du handicap le modèle devient beau, fascinant, la répulsion est transcendée en onirisme, le portrait que nous voyons bien qu’extraordinaire, hors du commun mais pourtant bien réel devient celui un être aimé, qui a aimé.
© Cyrile Crépin
Dante Alighieri disait dans sa « Divine Comédie » « Il n'est pire douleur que le souvenir du bonheur au temps de l'infortune. » le monstre a une fonction dans notre société, il a le pouvoir de normalisation, alors pourquoi le rejeter ? Avec ces photos, cette série de portraits des cas les plus sévères à travers le monde, c’est une réflexion sur la beauté qui s’offre à nous, sur les critères esthétiques qui ont changé au fil du temps, au travers des époques. Nous ne parlons pas de normalisation de la défiguration mais de sa compréhension et de son acceptation, de savoir que ce qui nous fait peur peut être apprivoisé, que le laid peut être beau. Je travaille avec la complicité du Pr. Bernard Devauchelle qui exécuta la première transplantation faciale au monde, il s’agit ici d’un projet exceptionnel en son genre, un travail unique au monde. Les patients que vous voyez en photo sont en attente de reconstruction, ont déjà été opérés ou le seront prochainement, certains attendent une greffe de la face. Je ne suis pas photographe médical, je fais de ces modèles des portraits d’art ouvrant ainsi uneréflexion sur le devoir d’acceptation de soi même, de l’autre, je traite de la question de l’identité et de sa perte, de la psychose à la démence en passant par la schizophrénie. Vivre sous le regard des autres lorsque l’on sait que l’on porte la face d’un autre, que voyons nous dans le miroir ?
Cyril Crépin
© Cyrile Crépin
Photographies et vignette © Cyrile Crépin