
© Berni Searle
La Galerie Particulière 16 rue du Perche 75003 Paris France
Berni Searle
Berni Searle est une des figures majeures de la scène artistique sud-africaine. Ses images em- preintes de lyrisme séduisent d’emblée par leur beauté plastique. Cette beauté ne doit cependant pas faire oublier les interrogations douloureuses qui sont à l’oeuvre dans les photos et les vidéos de cette artiste de 48 ans, parvenue aujourd’hui à la pleine maturité de son travail.
Depuis quinze ans déjà, Berni Searle repose inlassablement la question prégnante de l’identité et des origines dans une société sud-africaine où la couleur de la peau détermine un destin. De ce point de vue, c’est peu dire que Berni Searle fait corps avec son oeuvre. Ce corps ambré, ce corps métis d’une artiste née au Cap d’une mère noire et d’un père blanc, est l’enjeu de toutes ses per- formances et de toutes ses métamorphoses. “Dans mon oeuvre, j’exprime au travers de processus complexes et qui même pour moi restent souvent obscurs des idées sur mon identité. Les problèmes surgissent du fait que dans de nombreux cas, mon “identité” m’a été imposée. Me présenter comme une pluralité d’identités en mutation, c’est résister à la catégorisation: tant au plan personnel qu’au plan politique et historique “ confiait-elle déjà en 2001.
Dans les photos et la vidéo de son dernier travail « Lament » (2011), elle apparaît dans l’église de Brugges, voilée de noir et mains couvertes d’or, incarnant à la fois la figure de la victime et du conquérant, de la détresse et de la prospérité dans une ville qui a construit sa richesse sur la traite des noirs pendant des siècles.
© Berni Searle
Dans « Seeking refuge » (2008), elle est déjà capée de noir, promenant son exil sur un ilot hostile, hésitant à poser ses pieds nus sur les pans coupés de roches de basalte, finissant, épuisée, par se coucher sur une terre volcanique dont on ne sait si elle sera son tombeau ou le ferment de sa renaissance.
Dans « Room with a View » (2008), elle est toujours serrée de noir, faisant face à la mer sous un ciel laiteux que vient menacer un nuage d’encre qui semble sorti d’un cauchemar hugolien. Des ténèbres ou de la lumière, nul ne sait qui l’emportera mais l’horizon est là, ouvrant à de nouveaux possibles.
Dans le tryptique « Once removed (lap) » (2008), elle tient sur genoux un bouquet en papier crépon de fleurs noires qui se dissipent et laissent apparaître un corps enveloppé dans un tissu blanc. Entre le noir et le blanc, il y a toujours chez Berni Searle l’épaisseur d’une histoire à la fois personnelle et collective. Histoire tragique et pourtant élégiaque, tant il semble évident que Berni Searle porte en elle la capacité de se réinventer et par là-même, de produire une oeuvre exemplaire qui fait bouger les lignes en émouvant les âmes.
Natacha Wolinski
© Berni Searle
Berni Searle
Poétiquement politique, l’œuvre de Berni Searle parle d’identité, de mémoire et de lieux. Construite autour de l’image photographique, vidéo, filmique, elle s’entrelace à l’histoire de l’Afrique du Sud récemment émergée d’un « vivre à part » (apartheid) pour aborder les questions de l’appartenance et du déplacement, ici et ailleurs.
Berni Searle repose inlassablement la question de soi et de l’autre, interrogeant les composants de sa propre identité issue de brassages successifs : une « identité composite » à la base de la « créo- lisation » chère à Edouard Glissant. Nourrie de mythologies personnelles, elle interroge le souvenir et la mémoire (About to forget, 2005), montre la dynamique des relations humaines, la dissolution des liens familiaux, le caractère arbitraire des classifications raciales, religieuses et sexuelles...
Son propre corps est souvent au centre de ses performances filmées, terrain d’impression et d’expression des expériences et souvenirs (Snow White, 2001; Mute, 2008). La violence ou a souffrance sont rarement exhibées frontalement. Elles sourdent d’une image somptueuse dont le lyrisme et l’esthétisme sont habités d’une dramatique intensité (Vapour, 2004; Moonlight, 2010).
Sans jamais verser dans le pathos, Berni Searle crée une œuvre polysémique et troublante, intime- ment personnelle et profondément universelle ; une ode à l’humanité où chacun est ce qu’il construit.
Berni Searle est née en 1964 au Cap (ZA) où elle vit et travaille. Elle est diplômée en art de l’Université du Cap (1995). Depuis 1999, son travail a été présenté dans de nombreuses expositions solos et collectives en Afrique du Sud, USA et Europe (MoMA ; Bien- nales de Venise 2001 et 2005...)
Vignette et photographies © Berni Searle