© Jonathan Hindson
CCAS (Centre Communal d'Actions Sociales) 74, cours Saint-Louis Bordeaux France
UPHO#3 est la 7ème exposition organisée par l'association Cdanslaboite, le CCAS et la Mairie de Bordeaux.
Cette exposition s’inscrit dans une continuité soutenue par le projet social de la Ville de Bordeaux à travers son action « Promouvoir l’art et l’expression d’artistes et les soutenir dans leur démarche individuelle afin de proposer au public des services de l’action sociale des temps de découverte culturelle »
LE BAL POUSSIÈRE : ANNE-SOPHIE BOIVIN & BRIGITTE LEPRÊTRE
(Marseille & Rennes)
Le Bal poussière est le nom qu’a donné la photographe Anne-Sophie Boivin à une déambulation à vélo en Afrique, trois boîtes sténopé et un laboratoire photographique complet dans une valise sur le porte-bagages avant. 8 mois de voyage dont l’itinéraire s’est dessiné au gré des rencontres, de Nouakchott en Mauritanie à Cape Coast au Ghana, en passant par le Sénégal, le Mali et le Burkina Faso. C’est l’expression d’un monde individuel à travers un procédé rudimentaire, une représentation du réel hors du temps, une lenteur à toute épreuve. Des boîtes de conserve pour appareil photo, un vélo comme seul moyen de locomotion, un billet aller sans retour, une solitude assumée, propice à la création.
Le sténopé : Le sténopé ou camera obscura (du latin “chambre obscure”) est un appareil photo sans objectif. Dépourvu de lentille, seul un trou d’épingle laisse passer la lumière pour former l’image sur une feuille de papier sensible placée au fond d’une boîte. Le sténopé ne possède pas de bouton déclencheur. Lors de la prise de vue, il n’y a pas de visée, mais un champ de vision. Aucun déclic ne survient mais les temps de pose durent plusieurs minutes, parfois des heures.
« Qu’il s’agisse de paysages ou de portraits, la réalité se trouve transformée, recomposée par la force d’un point de vue qui coïncide avec un positionnement au plus près des êtres, des choses et de l’émotion ressentie. La parfaite maîtrise d’une technologie rudimentaire est ici au service d’un regard qui hiérarchise l’importance donnée aux éléments du réel et célèbre la sensualité des corps et des matières tout en révélant un imaginaire.
“Je vois souvent dans la rue des choses qui n’existent pas...”
En mêlant par exemple des images de vrais et faux dormeurs, Anne Sophie Boivin nous invite comme elle, à deviner plutôt qu’à savoir, à sentir les présences, à affronter nos interrogations sur la frontière entre la vie et la mort, sur les états qui nous traversent, sur l’enveloppe et l’essence des corps et des choses.» Alain Hélou.
© Anne-Sophie Boivin
TRACES URBAINES : FABRICE LASSORT (Bordeaux)
Loin de la culture établie le regard de Fabrice Lassort s'est arrêté sur les murs de la ville, Traces Urbaines est issue de la rue : des tags et graffs. Marqué par l'aspect artistique très esthétique il a désiré que le travail de Traces Urbaines retranscrive cette force. Dans Traces Urbaines, il utilise des fragments d’images monochromes, en noirs et blancs, sur film transparent qu’il serti par des bandes de plombs sur un vitrail. Ce support indissociable de ses images nous parle d’identité, d’une relation: art sacré / art profane / artistes institutionnels / artistes marginaux. Une nouvelle fois sa perception visuelle atypique, nous oblige à un autre regard, une modernité qui interroge fondamentalement la question de la photographie d'art face à la vulgarisation des images.
La plastique photographique qu’il crée à chaque nouvelle création nous montre à quel point il lui est nécessaire de sortir d’un cadre trop conventionnel, il le dit lui-même lorsqu’il énonce : « ... une chose est certaine, j’ai besoin de faire corps avec ma propre production: de tripatouiller mes appareils, mes chimies, d’avoir cette sensation d’autonomie et de maîtrise sur la nature matérielle de l’image et souvent de son support. La photographie alternative me permet de sortir des sentiers battus, de m’interroger ... » Au travers du concept de Traces Urbaines, Fabrice Lassort nous dévoile son vif attrait pour la lumière, qui ici se renouvelle avec chaque lieu d’exposition. Cet artiste nous ouvre les portes de rituels magiques ou l'expérience de l'image se renouvelle à chaque fois.“ Denis Freigerolles Dulimbert
© Fabrice Lassort
QUAND LE RASOIR DEVIENT PINCEAU : FABRICE TIGNAC
(Bordeaux)
Les images de Fabrice Tignac évoquent les photos de classe sur lesquelles, le visage d’un élève peu apprécié, a été gratté jusqu’à laisser apparaître le blanc du papier. Ici, la photo n’est plus un simple aplat, elle regagne du volume, de la matière grâce aux coups de rasoir assénés par la main de son auteur. Les yeux des personnages sont lacérés, les lignes des façades d’immeubles s’étirent au-delà de la pierre qui les forme, les paysages deviennent abstraits car ils perdent tout ce qui les rend uniques, reconnaissables. La couleur grattée laisse place à des halos de lumières plus crus, plus rouges.
Pendant 15 ans, Fabrice Tignac était sculpteur et dessinateur. Dans le cadre de ses différentes expositions et résidences, comme pour l’installation monumentale pour la commémoration des 50 ans de l’Institut Nationale de la Recherche Agronomique (I.N.R.A.) sur la totalité des allées de Tourny à Bordeaux en 1996, il devait souvent proposer une idée d’affiche ou d’invitation alors que la pièce qu’il était en train de réaliser était loin d’être terminée. À cette occasion, il a souvent proposé ces photos retravaillées au rasoir.
Initialement, l’artiste prenait des clichés des lieux d’exposition afin de mieux y adapter les pièces qui leur étaient destinées. Alors que la photographie accompagnait le geste de création du sculpteur, elle s’est finalement imposée comme un nouveau support. Et la démarche n’est pas du tout éloignée de la sculpture puisque Fabrice Tignac raye, creuse, gratte: il donne une nouvelle existence à des clichés qui sont dépourvus de toute dimension esthétique. Et c’est justement le geste, celui qui triture, qui étire un trait, dévoile une nouvelle couleur, qui finit par séduire.
La force du travail de Fabrice Tignac réside dans le fait qu’il parvient à rendre universelle une image qui est pourtant initialement issue de son quotidien. La forme barrée, gommée comme le regard du sujet, évoque les souvenirs effacés par le temps, la mémoire défaillante qui estompe la précision du souvenir pour ne laisser survivre que la sensation du passé et l’émotion qui lui est attachée. L’utilisation de l’argentique est par essence quelque peu nostalgique, mais la violence du geste apposé, elle, relève bien du présent.“ Boum! Bang! Magazine culture.
© Fabrice Tignac
JONATHAN HINDSON
(Afrique du Sud/Bordeaux)
Son travail se trouve entre la photographie et la peinture, il en brouille les frontières. Le point de départ ? Une photographie, un instantané, une « image vivace d’un souvenir oublié » sortie sur papier imprimé, transféré sur un support de bois, de toile ou d’aluminium, qu’il retravaille avec la peinture. Ne cherchant pas à les vieillir artificiellement, ces œuvres sont imprégnées d’effets, d’un temps réel, celui de son travail incessant sur la matière. Il aborde le média comme sédimentation du temps, les couches de peintures se superposent. Il joue avec la diversité des matériaux et leurs potentiels plastiques : toile de jute, cartes routières, photos de peintures murales, cadre en fer, papiers peints, déchirements, reflets... En mettant à distance et en abîme cette imagerie, il en fait resurgir l’intensité faisant ainsi apparaître la véracité des choses pour les inscrire dans le temps.
Jonathan Hindson se définit comme un fabriquant d’images et présente son travail comme une composition musicale : « ... Il y a un thème, une harmonie, des irruptions, des contrepoints, des dissonances. La partition se déroule dans le temps et dans notre mémoire s’imbriquent les reprises, les variations, les césures, les altérations, et les leitmotivs. Ici le temps qui déroule la partition devient l’épaisseur du tableau. L’alluvionnaire, le fragment, l’effritement, le palimpseste, le défaut, l’accident, sont les couches successives qui créent une image faite de sa propre mémoire. »
Laetitia Bélanger – Happen