
© François Poivret
Trois expositions à Vitré :
Jacques Villeglé, Affiches lacérées et graphismes
Artiste de renommée internationale, Jacques Villeglé contribua activement à la constitution du groupe des «Nouveaux Réalistes », mouvement d’avant-garde fondé en 1960, qui prône le retour à la réalité et à l’utilisation d’objets trouvés dans le processus de création (assemblage, accumulation, lacération...).
Son œuvre consiste à mettre en avant les « réalités collectives » urbaines, à rendre un témoignage historique original de la société moderne.
Le musée du Château de Vitré présente une sélection d’œuvres significatives de son parcours artistique (affiches lacérées, œuvres graphiques, sculptures), provenant de la collection personnelle de l’artiste et du musée de La Roche-sur-Yon.
Jacques Villeglé (notice biographique)
Jacques Villeglé, né à Quimper en 1926, a commencé en 1947, à Saint-Malo, une collecte d'objets trouvés : échantillons de catalogues, déchets du mur de l'Atlantique... En 1949, il limite son comportement appropriatif aux seules affiches lacérées. Juin 1953, publication de Hepérile éclaté, poème phonétique de Camille Bryen rendu illisible à travers les trames de verre cannelé de son partenaire intellectuel Raymond Hains. Février 1954, ils se mettent en relation avec le poète lettriste François Dufrêne qui les présente à Yves Klein, puis Pierre Restany et Jean Tinguely, avec lesquels sera constitué, en avril 1960, à Milan, le groupe des Nouveaux Réalistes, après leur participation commune à la première Biennale des jeunes de Paris.
Au préalable, en 1958, Villeglé avait rédigé une mise au point sur les affiches lacérées intitulée Des réalités collectives, préfiguration du manifeste des Nouveaux Réalistes d'avril 1960, puis il crée l'entité Lacéré anonyme en 1959. Depuis 1949, il a réuni plusieurs milliers d’affiches lacérées par les passants. Il s’y est intéressé lorsque, par la déchirure, elles échappaient à la propagande politique et à la publicité commerciale et devenaient un avatar coloré et ironique de la peinture contemporaine.
François Poivret, Jacques Villeglé, Rome, octobre 2009
Releveur de traces de civilisation, et plus particulièrement lorsqu'elles sont anonymes, il a réuni à partir de 1969 un alphabet sociopolitique en hommage au Professeur S. Tchakhotine, auteur en 1939 de Le Viol des foules par la propagande. À ces signes, qui marquent les tensions de notre époque, il mêle picturalement des symboles religieux ou ésotériques qui subsistent dans la mémoire collective. Une première exposition rétrospective consacrée aux graphismes sociopolitiques a été organisée par le musée Sainte-Croix de Poitiers en 2003.
A partir de 2006, Jacques Villeglé donne une troisième dimension à son alphabet en entreprenant un travail de sculpture avec des techniques traditionnelles (bronze, verre) et des techniques industrielles (acier corten, inox poli miroir, fonte).
Depuis 1957 l'œuvre de Villeglé a fait l'objet de plus de 200 expositions personnelles en Europe et en Amérique, et a participé à des manifestations collectives dans les cinq continents. Ses œuvres ont été acquises par les plus importants musées européens, américains et du Moyen-Orient.
Plusieurs monographies lui ont été consacrées : Bernard Lamarche-Vadel (Marval, 1990), Odile Felgine (Ides et Calendes, 2001) et Gérard Durozoi (Hazan, 2008). En 2007, les éditions Linda & Guy Pieters ont publié une importante biographie par Odile Felgine avec une préface d'Arnaud Labelle-Rojoux.
En 2005, l'ensemble de ses écrits est édité par Transéditions, Paris. En 2007, à l'occasion de la présentation de sa collection dans son musée de Hanovre, Ahlers Pro Arte fait paraître leur traduction en allemand. En 2012, la galerie Modernism de San Francisco (Martin Muller Books) publie une large sélection de chapitres en anglais.
Depuis 1988 huit volumes du catalogue thématique et exhaustif de ses affiches lacérées ont été édités. La galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois a organisé à Paris depuis 1999 sept expositions thématiques des affiches lacérées, chacune accompagnée d'un catalogue documenté.
En 2012, l'Espace Jacques Villeglé de Saint-Gratien a montré sa première exposition de sculptures, la galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois a présenté un one man show à la Foire de Bâle et le musée d'Art contemporain de Marseille lui a consacré une rétrospective.
Cette année, Jacques Villeglé inaugure la nouvelle galerie Alan Koppel à Chicago, il est invité par Bernard Blistène à participer au nouveau Festival du Centre Georges Pompidou, et doit exposer à Londres, Anvers, Genève, Brescia, Arezzo.
© Jacques Villeglé
François Poivret
Il est né en 1959 à Bayeux. Il s’est formé comme assistant dans un laboratoire où il a appris toutes les bases de la prise de vue, du tirage et de l’impression.
Après cette période d’apprentissage technique, il crée, dans une agence de publicité, un département prise de vue au sein duquel il se spécialise dans le domaine de l’objet et des aliments. Ses activités dans la publicité se poursuivent jusqu’au milieu des années quatre-vingt, période à laquelle il commence à photographier des œuvres d’art contemporain. Il travaille dès lors régulièrement pour de grands musées et institutions culturelles : la Getty Foundation à Los Angeles, le musée d’Art moderne de São Paulo, le Cabinet des Estampes de Genève, le Conseil général de Seine-Saint-Denis, la Ferme du Buisson, le Centre d’art contemporain de Meymac en Corrèze.
A la faveur de ces commandes, il rencontre de nombreux artistes dont il réalise des portraits. Des rencontres, c’est bien de cela qu’il s’agit car jamais François Poivret n’a cherché à faire un portrait dans le seul but d’ajouter une célébrité à son entreprise. Il lui faut le temps de l’accompagnement pour saisir une expression qui ne soit ni dérobée à l’insu, ni le résultat d’une pose. Pour certains, il choisit un cadrage serré (Joseph Beuys, Antonio Saura, Martin Barré...), pour d’autres, il surprend un geste ou une démarche (Roman Opalka, Olivier Debré, Bernard Frize...)
Dans cette riche galerie de portraits, la place occupée par Jacques Villeglé est particulière.
En effet, les deux hommes développent depuis 1985 une étroite collaboration qui recouvre des campagnes régulières de photographies des œuvres et un ensemble de portraits captés au fil des innombrables promenades urbaines de Jacques Villeglé. Pour ce faire, François Poivret se comporte autant comme un metteur en scène que comme un photographe. Chaque série est l’objet d’un repérage précis de lieux et de situations qui évoque de manière allusive des aspects du travail de Villeglé.
Il lui faut aussi capter une lumière, une attitude bien davantage révélatrice que les attributs d’un peintre ou d’un sculpteur. Quand il lui arrive de dévoiler en arrière- plan des outils ou un châssis, il ne fait que nous convier à partager ce que ces rencontres ont de précieux. Il sait nous rendre perceptible un temps irréversible. François Poivret dit attacher beaucoup d’importance au fait qu’une forme de détente, de sérénité s’établisse au moment de la prise de vue.
François Poivret, Jacques Villeglé, New-York, mai 2011
François Poivret, Photographies, portraits de Jacques Villeglé
En parallèle de cette exposition au musée du Château, l’artothèque de Vitré présente des portraits de Jacques Villeglé réalisés par le photographe François Poivret. Une collaboration étroite qui, depuis 1985, dévoile notamment l’émergence d’œuvres de Jacques Villeglé à travers ses séances d’arrachage, ses dessins des lettres constituant son alphabet sociopolitique mais également à travers ce qui sous- tend son œuvre : des traces, des indices (tags, graffitis, signalétiques...) captés dans les villes où évolue l’artiste.
Cette exposition de François Poivret annonce la sortie de son livre intitulé Jacques Villeglé accompagné d’un texte de Danielle Robert-Guédon.
François Poivret est né en 1959 à Bayeux. A partir de 1980, il est photographe assistant dans des studios de prise de vue publicitaires, puis photographe à l’agence de publicité Gallium. Il devient photographe indépendant en 1985 et se spécialise dans la photographie des œuvres d’art. Il collabore avec les magazines d’art contemporain, les galeries, les centres d’art contemporain, et les plus grands musées. En parallèle il développe un travail d’auteur de portraits d’artistes. De la rencontre particulière avec Jacques Villeglé naîtra une collection de centaines d’images réalisées sur lui depuis 1986.
La médiathèque de Vitré s’associe au musée du Château et à l’artothèque de Vitré pour présenter une sélection d’œuvres des Nouveaux Réalistes issues de la collection de l’artothèque municipale.
Le Nouveau Réalisme a été fondé en octobre 1960 par une déclaration commune dont les signataires sont Yves Klein, Arman, François Dufrêne, Raymond Hains, Martial Raysse, Pierre Restany, Daniel Spoerri, Jean Tinguely, Jacques Villeglé ; auxquels s’ajoutent César, Mimmo Rotella, puis Niki de Saint Phalle et Gérard Deschamps en 1961.
Ces artistes affirment s’être réunis sur la base de la prise de conscience de leur « singularité collective ». En effet, dans la diversité de leur langage plastique, ils perçoivent un lieu commun à leur travail, à savoir une méthode d’appropriation directe du réel, laquelle équivaut, pour reprendre les termes de Pierre Restany, en un « recyclage poétique du réel urbain, industriel, publicitaire » (60/90. Trente ans de Nouveau Réalisme, édition La Différence, 1990, p. 76).
Leur travail collectif, des expositions élaborées ensemble, s’étend de 1960 à 1963, mais l’histoire du Nouveau Réalisme se poursuit au moins jusqu’en 1970, année du dixième anniversaire du groupe marquée par l’organisation de grandes manifestations.