© Gre?goire Bernardi
Galerie Benj 56 rue Saint-Se?bastien, 75011 Paris France
ROUTE (nationale) 66
Elle avait pourtant tiré le bon numéro. Sauf qu’entre Remiremont et Mulhouse, à l’extrême nord-est de la France, le tableau est un peu trop gris pour la carte postale. La route nationale 66 ne s’étire pas sous des cieux aussi cléments que son homonyme américaine. Mais à défaut de tape- à-l’oeil, elle a travaillé sa personnalité, surprenante d’un bout à l’autre de la vallée. Le collectif Chez Albert vous entraîne dans un road trip inattendu le long d’une route (presque) mythique, peuplée de camions, de machines à sous, de catcheurs et de loups, version Alsace-Lorraine.
C’est avant tout une route de passage. La nationale 66 court sur soixante-dix-sept kilo- mètres environ, entre Remiremont, département des Vosges, et Mulhouse, département du Haut-Rhin. Il y a peu, elle tirait encore jusqu’à Bâle, en Suisse et dans l’autre sens, jusqu’à Bar-le-Duc, sui- vant l’axe Benelux-Bâle, itinéraire majeur de circulation et de commerce depuis l’Antiquité. Au- jourd’hui, la route croise encore tout de même deux régions et deux départements et traverse près de dix-sept petites communes dont certaines aux noms plus simple à écrire qu’à prononcer : Rupt, Bussang, Mal- merspach, Moosh, Husseren-Wesserling, Bitschwiller-lès-Thann...
Un ciel gris, une histoire complexe. Le textile florissant, jadis. Les stigmates des trois guerres, toujours. L’exploitation forestière, encore. Le retour du loup, probable. Et, en guise de bande son, le ronron gras des milliers de camions qui, chaque jour, sillonnent la 66, provoquant bouchons et pollution au grand dam des riverains. Entre la nature dominante et la circulation outrancière, la Route 66 se cherche un but. Arriver quelque part.
© Grégoire Bernardi
Grégoire Bernardi
Après ses études à l’ETPA de Toulouse, Grégoire débute sa carrière de photographe début 2004 en couvrant l’actualité dans le sud-est de la France pour l’agence « Reportages ». Il décide de devenir entièrement indé- pendant en 2008 et s’installe à Londres au même moment pour développer son travail personnel, inspiré par le dynamisme et la richesse culturelle de cette ville. Ses travaux s’orientent principalement vers le portrait et le documentaire et ses images ont été publiées par des titres comme Les Inrockuptibles, L’Express Style, Géo Voyage, GQ (Allemagne), Pelerin. Il partage désormais son temps entre Marseille et Londres.
Son travail est visible sur www.gregoire-bernardi.com
A l’invitation du collectif de journalistes Chez Albert, Grégoire Bernardi (photographies) et Stéphanie Harounyan (textes) ont arpenté le bitume durant le mois d’octobre 2012, à la ren- contre de ceux qui peuplent la vallée de la 66 : les travailleurs de l’usine TRW, en lutte pour mainte- nir leur activité, les brigades vertes chargés de faire traverser les grenouilles ou de fermer les cercueils, le responsable d’un théâtre hors du commun dont la scène s’ouvre sur la nature...
Il y a aussi ceux croisés au hasard de la route comme Christian, le propriétaire d’un snack posé en plein virage, ou Denis, le motard mécanicien qui cache un Tupolev dans son garage. Il y a enfin les visiteurs inattendus, comme Michel Torr à la sortie d’un concert ou Flesh Gordon à la sortie d’un ring. L’exposition raconte cette virée décalée et déroutante sur une terre inattendue. Et lumineuse.
© Grégoire Bernardi
Chez Albert est avant tout plusieurs.
Ce collectif réunit des journalistes officiant dans des médias locaux ou nationaux, depuis Marseille ou par-delà la Loire. Pour changer d’air, ils s’invitent régulièrement ou occasionnellement Chez Albert. Ce site web créé en 2011 doit son nom à Albert Londres, journaliste de son état, mort en service dans les années 30. Jamais objectif, vivant sans montre, passant des mois sur un sujet, écrivant à la première personne... Il se ferait probablement virer de toutes les rédactions actuelles.
Albert Londres n’est pas un modèle pour les journalistes, il est plutôt leur fantasme. Pas question de tenter d’imiter l’inimitable. Mais à défaut des lettres, les Albert veulent s’inspirer de l’esprit. Libre et funky. Albert s’est donc fixé une ligne éditoriale simple : explorer les angles morts de l’info. Non pour y traquer le scoop, mais une matière originale, mise en lumière grâce aux outils du Net. Pour accompagner sont activité numérique, le collectif propose aussi plusieurs rendez-vous dans le réel: des expositions, des débats, des émissions radios en public, des ateliers pour enfants, des rencontres entre journalistes et lecteurs...
Vignette et photographies © Grégoire Bernardi