Galerie Joseph Antonin 40 rue Emile Barrère 13200 Arles France
"Quel est ce point de vue ? Qui se tient ainsi tapi entre le jour et la nuit ? Pas un homme rationnel et technique d'aujourd'hui. Plutôt quelqu'un qui aurait une mémoire très ancienne de l'espèce. Qui aurait conservé, tapi dans un coin de son cervelet, la mémoire du premier organisme, au cours de l'évolution, qui s'est hissé hors de l'eau pour tenter de vivre dans l'air, mais un air encore aqueux, dans un monde où l'eau était encore mêlée au limon originel. Ce point de vue, c'est aussi celui d'un futur très lointain, d'après l'ère industrielle. Il n'y a pas d'humains dans ces photos. Mais parfois les traces d'une civilisation disparue, que les éléments naturels auront bientôt effacés de la surface de la terre"
Alain Bergala in Terraquae / Daniel Nouraud, 2008
© Daniel Nouraud
L'exposition SHADOW - STRANGERS THAN PARADISE (Daniel Nouraud, Guillaume Flageul) porte sur l'inquiétante étrangeté du "nuage" : à la fois support du rêve et de la contemplativité, et par ailleurs source d'une tension croissante, d'un malaise lié au contexte post-industriel de l’environnement contemporain (destruction de l’écosystème, menace nucléaire) ; en histoire de l'art, la thématique embrasserait la question d'un changement irréversible de point de vue ou de repères de l'artiste vis à vis de la nature, confronté à la "perte d'innocence" et au "mal" moderne (contrairement au paysage classique qui assigne du positif dans la nature, du côté des miracles de la Création ou des dieux plutôt bienveillants de l'animisme)... A l’inverse, la question moderne est de rendre compte de ce « mal » sans être soi-même dans une posture de « mal » (fascination perverse ou apologie du crime perpétué sur la nature), tout en restant dans la croyance à l’image et ses pouvoirs magiques, thaumaturges.
© Daniel Nouraud
Une exposition picturale et photographique sur le thème du paysage, sa dimension mélancolique, la question de la perte de l’innocence du point de vue, la blessure du paradis : comment le sujet de l'enchantement, de la stupeur devant la beauté est modifié au contact du sentiment moderne de la catastrophe. L'exposition traite de la possibilité d’être au-delà du temps, de la représentation du nuage dans le sens de la lenteur, de la contemplation, conditions de la rêverie (repos de la forme, oubli de toute tension), puis de l'appréhension d'une menace (précipitation des phénomènes, trouble maléfique du nuage atomique). Entre abandon et tension, concentration et retard, se jouent la magie propre à l'instant de l’image et la création de la conscience esthétique de l'artiste face à l'environnement contemporain : perpétuel décalé, étranger par nature, chassé du monde sauvage, de la pureté, du mutisme originel, faisant face au vertige d'une réalité composite, à la fois sublime et proche du cauchemar.
Clémentine Feuillet / Galerie Joseph Antonin