
Avenue Simon Bolivar, Paris 1994 © François Lartigue
Pour la deuxième exposition qu’elle consacre à François Lartigue, la Galerie Binôme revient sur le parcours de cet héritier de la photographie humaniste. Retour sur 50 années d’images à Paris...
François Lartigue, photo-sensible
Né à Paris en 1949, François Lartigue signe 50 années de photographie en 2013. Le cliché des matelots au bord du bassin des Tuileries, collection du Musée Nicéphore Niépce, date en effet de 1963. Seule une légère contreplongée du cadrage trahit encore la taille du jeune photographe. Une carrière précoce, menée discrètement, en parallèle de celle de son grand- père, le photographe Jacques-Henri Lartigue. Suivant sa propre voie, François Lartigue est devenu un homme d’image à double titre.
Au cinéma tout d’abord, où il joue Grand Gibus en 1961 dans La guerre des boutons d’Yves Robert, aux côtés de son frère, Petit Gibus. Quelques années plus tard, il entre au Laboratoire LTC grâce à André Bac, le chef opérateur du film. Il débute ensuite sur les plateaux comme second assistant de Jean Boffety pour Les choses de la vie de Claude Sautet en 1969. Directeur de la photographie depuis 1988, il a tourné de nombreux longs métrages, travaillant entre autres avec Claude Sautet, Jacques Demy, Henry Verneuil, Philippe de Broca, Jacques Deray, Bertrand Blier, Claude Zidi, Marco Pico, René Feret et Carlos Saura.
En 1983, il est également le chef opérateur du documentaire Les grands photographes de Florence Gruère et Claude Gallot. Ses rencontres avec André Kertész, James Van Deer Zee, Henri Cartier Bresson et ses retrouvailles avec Robert Doisneau, ami de la famille, seront décisives pour la relance de son travail de photographe, un temps délaissé pour le cinéma. En 1994 et 1996, le Musée Nicéphore Niépce et La Bibliothèque historique de la Ville de Paris font respectivement l’acquisition d’une collection de ses tirages.
Depuis, son oeuvre photographique a fait l’objet de plusieurs expositions personnelles. En 2010, il rejoint la Galerie Binôme
série spéciale, Paris 1963-2013, thème I © François Lartigue
Portraits en diaporama
Portraits trace une biographie en images de François Lartigue depuis le début des années 60 : des photos de la famille Lartigue aux images de tournages et plateaux de cinéma ... une projection à découvrir à la Galerie Binôme pendant l’exposition.
François Lartigue, L’objectif humaniste
L’œuvre photographique de François Lartigue frappe par la constance de ses choix formels : les images, exclusivement en noir et blanc, sont réalisées avec un seul objectif, un Canon 35mm de 1962, offert à l’adolescence. Il en joue depuis comme d’un musicien son instrument. Ses prises de vues, situées essentiellement à Paris, s’arrêtent sur le spectacle des rues et des jardins, l’animation des bistrots et des places parisiens. Affranchi de l’obligation de réinventer sans cesse un contexte, le photographe puise dans cette fidélité à ses sujets une grande liberté d’expression.
« Pour le cinéma, j’éclaire des décors, des acteurs, je fais des images en couleurs, sophistiquées, mises en scène. En photos, au contraire, par contradiction peut-être, je capture les scènes sans les provoquer, mais en attendant le bon moment, c’est-à-dire le bon geste naturel ou le bon regard des gens qui passent, discutent, travaillent. Je ne cherche pas l’esthétisme mais plutôt l’action, dans le bon cadre, qui donnera toute la vie à ma photo ».
La conversation, 1994, extrait © François Lartigue
Ainsi, François Lartigue n’est pas un faiseur d’images. Il a le coup d’oeil et la sensibilité d’un «pêcheur d’images» comme se définissait lui-même Robert Doisneau. Entre deux tournages, il déambule dans les rues de la capitale à Vespa, à l’affût, jusqu’à ce qu’un détail provoque son attention. Il peut s’agir d’un lieu qu’il appréhende comme un décor, anticipant le moment où, sans le savoir, un passant s’inscrira dans une scène que lui seul saura lui faire jouer par son sens du cadrage. Son œil sait aussi repérer les coïncidences et les anachronismes liés à la collision éphémère des êtres et des choses. Avec humour et poésie, François Lartigue extrait l’invraisemblance au cœur du quotidien. Sa sensibilité aux situations insolites est l’un des signes remarquables de son œuvre.
Héritier de la photographie humaniste et de l’esthétique du ‘‘réalisme poétique’’ défini par Claude Nori, François Lartigue prend la suite des maîtres du genre. Observateur et témoin, il continue à documenter Paris et l’évolution de ses archétypes qui, en 50 ans, ont perdu de leur pittoresque pour gagner en éclectisme.
De l’image trompeuse d’une foule uniforme tendue vers le même but, François Lartigue sait voir, et avec quel œil, la diversité. Oubliant le pittoresque racoleur, il se borne lors de ses flâneries, de ses rencontres, du hasard de ses pas, à isoler de la masse un personnage, un couple, un groupe, un enfant dans le plus simple accomplissement d’un geste, l’expression d’une attitude ou d’une mimique n’attirant même plus le regard tant que chaque comportement instinctif, pour banal qu’il soit, est inhérent à l’être humain dans la réalité sans surprise de son quotidien. Son piège magique se referme alors sur les portraits vivants des anonymes de toute une communauté, qui soudain célèbres, prendront place dans les cartons des collectionneurs de photos où, témoins de leur temps, ils diront la vie publique des habitants de la ville en ces dernières années du deuxième millénaire.
Robert Giraud, Juin 1997
Rue de Ménilmontant, Paris 1991 © François Lartigue
Série spéciale, Paris 1963-2013
Pour marquer le jubilé de sa carrière photographique, François Lartigue retrace ses périgrinations parisiennes : Paris 1963-2013. Une traversée de la capitale en deux thèmes composés d’une sélection d’images emblématiques et de clins d’oeil accrochés à la ville lumière.
Photos et vignette © François Lartigue