© David Favrod
La Petite Poule Noire 25 rue Beautreillis 75004 Paris France
Inquiétante étrangeté, ou la quête identitaire d’un artiste helvético-japonais.
Nous avons la chance de présenter l’oeuvre de David Favrod, un jeune photographe helvético-japonais dont le travail porte la richesse de l’alliance de deux mondes. D’un balancement entre deux cultures, David Favrod tire la spécificité d’une quête identitaire poétique et subtile. Gaijin, qui regroupe plusieurs séries, signifie l’Étranger. C’est ce sentiment permanent d’étrangeté qui tenaille l’artiste, lui ouvrant la porte sur un univers à part. Il travaille sur l’extériorisation de ses états d’âme dans des mises en scène d’une infinie délicatesse, dont les multiples niveaux de lecture nous plongent dans une compréhension bien plus profonde que la seule émotion esthétique suscitée par la beauté de l’image.
© David Favrod
Les couleurs délicates de l’oeuvre de Favrod en appellent autant à la tradition picturale européenne qu’à une codi- fication purement nippone dans leur interprétation. Beaucoup de masques, d’autoportraits grimés (ainsi cet auto- portrait à la baignoire où l’artiste se dépeint dans un intérieur européen comme en atteste l’antique baignoire à pied ou le papier peint désuet, le visage grimé de rouge comme une divinité shintoïque, le cou encerclé de cordes, le regard perdu braqué dans celui du spectateur), des photographies des membres de sa famille retravaillées, des sumos européens, des geishas rêveuses dans des intérieurs ravagés, des paysages grouillant et fantasmatiques, de délicates constructions de papiers s’évadant par des carreaux cassés : c’est la mise en scène d’un terrain de lutte et de confrontation de traditions qui s’opposent, s’annulent, se renvoient l’une l’autre à l’infini dans le miroir de l’âme de l’artiste.
La matière première de David Favrod sont ses archives familiales, les récits de guerre de ses grands parents ja- ponais, le souvenir d’Hiroshima, les contes de fée. Élevé en Suisse mais dans la plus pure tradition japonaise, il est refusé par l’ambassade nippone lorsqu’il demande, à 18 ans, la double nationalité. De ce rejet douloureux il tire la substance inépuisable d’une quête qui le pousse à explorer sa bi culturalité. Ce faisant, David Favrod saisit et nous offre quelque chose de précieux : la beauté, la féérie, l’intranquillité propres à l’enfance. Car le voyage de Favrod n’est pas uniquement géographique, entre Suisse et Japon, il est aussi temporel, et l’artiste nous emmène à la rencontre de l’enfant que nous fûmes.
© David Favrod
Dans une démarche artistique totale, mature et maitrisée, David Favrod choisit pour chaque image la taille et le mode de présentation spécifique : encadré ou marouflé directement sur le mur, imprimé sur des papiers soigneu- sement choisis. Rien n’est laissé au hasard, chaque détail est pensé pour faire partie d’un grand récit initiatique.
Ses séries qui se mêlent, se suivent, se complètent et s’enrichissent participent d’un même récit fictionnalisé et sont un outil affiché d’une quête identitaire, où les autoportraits impliquent un rapport intime et solitaire à soi-mê- me. Les questionnements de l’artiste, si personnels qu’ils touchent à l’universel, créent dans l’ordinaire une fantaisie discrète et malicieuse, parfois tragique. Dans un va-et-vient aérien entre photo plasticienne et image documen- taire, c’est la naissance d’une individualité qu’il nous présente.
Ayant bénéficié d’expositions solos en Suisse (John Schmid Gallery à Basel, Crochetan Gallery à Monthey), aux États-Unis (Fondation Aperture à NY), en Italie (the Pasticio Cerere Foundation à Rome), en Grèce (Centre de pho- tographie d’Athènes), ainsi que de nombreuses expositions collectives, David Favrod a été remarqué et distingué : il a fait partie de la sélection officielle de Hyères 2013, de Hey, Hot Shot en 2012, il était « photographe de demain » au Musée de l’Élysée (Lausanne), présenté à la Kantonale Schaffensbeiträge im Bereich visuelle Kunst und Design à la Galerie Zur Matze (Brig), ou encore en Italie pour l’International Talent Support, ITS8 (Trieste), il a remporté le Pre- mier prix Work in progress aux Rencontre Internationales de la Photographie à Arles en 2009 et le Premier prix de l’International Viewbook PhotoStory 2009. Il est également lauréat du Aperture Portfolio Prize 2010 à New York.