Les premiers travaux de Witkin font appel aux vedettes d'un freak show, son oeuvre privilégie une photographie d'intérieur et montre des modèles peu communs, engagés au fil de ses rencontres.
Les impressions les plus marquantes de mon existence ont toujours été liées à la photographie, à commencer par mon premier souvenir conscient. Cette toute première image remonte à ma sixième année. C'était un dimanche ; ma mère descendait l'escalier de notre immeuble, nous emmenant moi et mon frère jumeau à l'église, quand à mi-chemin du couloir d'entrée nous avons entendu un incroyable fracas mêlé de hurlements et d'appels au secours. C'était un carambolage entre trois voitures, chacune transportant toute une famille. Dans l'agitation, j'avais lâché la main de ma mère ; c'est alors que, depuis le trottoir où je me tenais, j'ai vu quelque chose tomber d'une des trois voitures renversées et rouler jusque dans le caniveau à mes pieds. C'était la tête d'une petite fille. Je me suis penché pour la toucher mais quelqu'un m'a tiré à l'écart. Ce premier souvenir visuel conscient s'est gravé en moi. A partir de lui je vois rayonner tout un réseau qui le relie à mon travail plastique sur des têtes coupées ou des masques ainsi qu'à mon intérêt pour la violence, la souffrance, la mort.