
Photos et vignette © Bernadette Tintaud
Artothèque de Grenoble 202 Grand'Place 38100 Grenoble France
Bernadette Tintaud photographe plasticienne, née à Paris, vit depuis 10 ans à Privas.
"Pierres palimpsestes", "Orphée"," Eurydice", "Post-scriptum", "Diffractions" sont des séries photographiques issues de lieux entre Drôme et Ardèche où l’artiste va à la rencontre des pierres sculptées ou taillées, des parois tatouées de graffitis.
Elle rapporte à l’atelier des images qu’elle travaille en se confrontant à la matière et à la lumière. La plasticienne ouvre alors un passage dans la matière photographiée, sculpte le grain pixellisé de la pierre, crée des hybridations poreuses à la lumière afin d’avoir accès au devenir des formes et non seulement à leur représentation.
Dans ce processus, les premières prises de vue sortent de leur réalité figée, entament leur métamorphose et reconstruisent dans l’après-coup ces images/palimpsestes qui se déplient dans la durée, surprennent le temps plutôt qu’elles ne le suspendent. Surgissent alors des espaces habités de bruissements anciens, des traces insolites préservées de l’effacement ...une matière poétique qui bouscule le temps photographique.
© Bernadette Tintaud
« Dans les carrières de Saint-Restitut, le vide des galeries est une présence en creux où l’ombre et la lumière luttent. Les carriers, dans leur rage de vivre ou leur espoir d’éternité, ont laissé sur les parois de pierre les griffures de leurs outils et des graffitis. Depuis, les visiteurs de passage y répondent en écho. Dans ces architectures en ruine abandonnées à la végétation, les écailles du temps donnent une forme de confiance en la pérennité du monde : c’est la trace d’une présence.
En me confrontant à cette mémoire géologique et humaine, je n’ai pas voulu dérouler l’histoire du lieu mais ouvrir un passage à travers la matière photographiée. Au creux de l’image numérique travailler la profondeur par le feuilletage, la stratification de plans et déployer le grain pixellisé de la pierre. Avec la couleur et la lumière sculpter la matière que les hommes avaient déjà sculptée pour faire advenir une image dans le temps. Ce lieu en appelle au mythe : les carriers, Orphée de l’ombre, avancent dans les entrailles de la terre pour en extraire la pierre et la porter vers la lumière. Dans leur avancée laborieuse, ils traversent des dangers qu’ils semblent vouloir conjurer en inscrivant dans la matière, leur nom, leurs rêves, autant d’incantations magiques voire sacrées.
C’est aussi une métaphore de la photographie qui capte et fige : Orphée n’a pas confiance, il veut voir Eurydice juste avant que le seuil des enfers ne soit franchi. Alors qu’elle est en mouvement, s’extrayant de la gangue des ombres, aimantée par la lumière qui ouvre aux possibles de la vie, il se retourne, la regarde et la tue - comme le ferait un instantané rapide et chosifiant. »
Résidence Ecritures de Lumière 2010, DRAC rhône-Alpes et Lux scène nationale, Valence
Bernadette Tintaud (2010)
du mardi au samedi 12h-18h30