Photos et vignette © Yves Hayat
Galerie mines d'art 9, rue Saint-Joseph 1227 Carouge Suisse
«A dire les décombres, à confronter au rêve ces ruines, des silex font des étincelles, et ces étin- celles sont l’œuvre d’Yves Hayat, où la beauté est d’autant plus saisissante qu’elle est sa- lie, menacée, confrontée à tous les dangers, tous les meurtres, toute la bêtise, tout le malheur.
(...) Yves Hayat, détournant ses images du fonds culturel planétaire qui s’appelle Internet, et les re- travaillant de manière très complexe et subtile, poursuit dans la violence et l’humour, et aussi, de par la forme, dans la dérision. Ses images, il les veut floues avant même que leurs reflets sur le mur n’en brouillent encore la définition. L’œil, frustré, est décontenancé. Au sens propre: le contenu échappe. On est coupé du contenu, et maintenu dans l’arbitraire du signifiant. Et alors quelle aventure : tout un chemin de l’image classique avec ce qu’elle a de bouclé dans ses significations, vers l’énigme de l’actuel.
Car les corps lisses, lumineux jusqu’à la phosphorescence, alanguis par la paresse, le repos, la passivité, la disponibilité, la sensualité, restent, dans les faits, dans la concrétude même de l’œuvre, un appel au paradis. Que ces corps - de femmes, ou d’éphèbes, aient été purs objets de la Pein- ture, via les peintres, au masculin, est l’un des éléments de l’histoire. C’est bien de la «relation d’objet» que parle Yves Hayat, et du fait que cet objet n’est jamais à l’abri de l’agressivité de l’autre, du désir dévorant de l’autre.
Toutes ces femmes n’étaient que des rêves de peintres, on sait ce qu’il en était des femmes réelles, les simples modèles, autant dire des femmes imaginaires. La force des nouveaux media, photo, vidéo, plexi, est de forcer le spectateur à savoir qu’on est dans le virtuel. Et c’est une effraction bénéfique, pour le dessillement, que de bousculer le bon vieux contrat avec toile, huile, pinceaux, crayon, papier, gravure etc. Le choc dû au support jette dans l’évidence de la construction (ou plutôt dé- construction) de ce qui nous sert de réalité : un subterfuge, une inadé- quation, que, sans le savoir, nous réparons en permanence. Nous som- mes des machines à réparer, à convertir, à éloigner la violence du réel.
(...) Entre paradis et destruction, les plexiglas-écrans d’Yves Hayat projettent l’ambivalence humaine, l’archaïsme double des saveurs édéniques de la fusion avec une toute-puissance rêvée (une jouissance ressentie comme parfaite), et du rejet de l’autre, pour exister. Le plexiglas, matière minimale, concrétion de lumière pour laisser filtrer de l’image pure, presque un hologramme, insai- sissable entre les doigts, sable filant dans la main, joue de tous ses reflets sur le mur. Ce mur où cela bute, et où la réflexion peut, enfin, admettre qu’elle est «au pied du mur». Le monde en ruines d’Yves
Hayat est une proposition: reste-il un piège, où l’en- fance, l’immaturité, dans chacun de ces corps, conti- nueront d’être violées et tor- turées, ou un visage humain peut-il apparaître au sein des phosphènes lovés dans le magma ? C’est à l’action, semble-t-il, qu’invite cette œuvre, au-delà du regard neuf. Cela passe par l’exil de soi.»
France Delville, janvier 2006 - extrait du catalogue de l’exposition Hayat «Vénus/désastres» 2006
Photos et vignette © Yves Hayat
«J’avoue m’intéresser plus à la manipulation du réel et à ses images «imaginées». Mon travail aux confins de la photographie plasticienne, de l’installation et de la Figura- tion narrative propose des visions où la part de théâtralisation fait corps avec le projet. Véritable consommateur visuel, je photographie, télécharge, retouche, recadre... bref je met en scène.
Par un jeu de superpositions, de décalages, de détournements, je met en confrontation le passé et le présent, la beauté et l’horreur, l’indifférence et le fa- natisme, le réel et l’imaginaire. J’essaie de concevoir, à travers un questionnement sur les rapports art / politique / médias, des oeuvres critiques où transparaît une attirance plastique pour la culture des médias, du cinéma et de la publicité.
Grâce aux avancées technologiques (internet, le numérique, l’impression sur nouveaux supports,...), je tente d’élaborer une sorte de constat de notre histoire, de notre société dans ce qu’elles ont conçu, transformé, détruit. Il me semble cependant important de garder à l’esprit que lorsqu’une œuvre nous met face à notre monde, elle est là aussi bien pour poser une interrogation que provoquer un sourire ou créer un malaise... C’est alors qu’elle échappe au lieu commun.».
Yves Hayat