vignette © Kurt Caviezel
Centre de la photographie - Genève 28 rue des Bains 1205 Geneve Suisse
Après avoir présenté un aspect de l’énorme archive de Kurt Caviezel au Centre régional d’art contemporain à Sète en février 2011 dans l’exposition Open Frame I & II, le Centre de la photographie Genève présente la première exposition personnelle de Kurt Caviezel en Suisse romande, en collaboration avec la Fondation Suisse pour la photographie.
Né à Coire en 1964 et vivant à Zurich, le photographe s’est fait connaître en 1999 avec un livre paru aux Édition Patrick Frey, Red Light. Contrairement à ce que suggère l’ambiguïté présente dans le titre, le photographe n’enregistrait pas dans la zone rouge de la prostitution, mais photographiait des conducteurs de voitures arrêtés aux feux rouges à l’aide d’un téléobjectif. Si cette série induisait déjà la perspective du voyeur dans l’œuvre de l’artiste, il a fallu attendre plus de 10 ans pour découvrir le travail de fourmi que Kurt Caviezel avait accompli entre-temps : une archive de plus de 3 millions d’images téléchargées depuis toutes les webcams légalement accessibles.
Délaissant la caméra, mais pas les genres, la colossale accumulation de photographies « dérobées » aux quatre coins du monde, donne à l’artiste la possibilité d’organiser sa collection à partir des genres courants dans le domaine de la photographie, allant du paysage au nu. L’artiste a même réussi dans un genre qui requiert la présence physique du photographe pour des raison d’authenticité : la Street Photography.
Pour Kurt Caviezel, comme pour quelques autres artistes qu’on a pu découvrir dans l’exposition From here on aux Rencontres Internationales d’Arles en 2011 (commissaires: Joachim Schmid, Joan Fontcuberta, Erik Kessels, Clément Chéroux et Martin Parr), le terme «prendre des photos» a fondamentalement changé depuis l’arrivée d’internet, bien qu’il soit important de se souvenir des apropriationistes du début des années ‘80 tels que Richard Prince et Sherry Levine. Pour eux, le terme « prendre des photos » a perdu en sens figuré, mais gagné en sens propre.
Ainsi, Kurt Caviezel n’ébranle pas seulement la notion d’auteur, mais aussi de voyage (voir son reportage à travers les États Unis), voire même celle d’authenticité d’un témoignage. Tel un Karl May ou un Immanuel Kant, ayant imaginé la vie des Indiens en Amérique du Nord ou la ville de Londres sans jamais quitter leur bureau, Kurt Caviezel, fait le tour du monde une dizaine, voir une centaine de fois par jour depuis son ordinateur à Zurich.
L’abondante quantité de photographies collectées permet à l’artiste d’organiser son archive à partir des critères les plus divers. On y trouve une série de femmes et d’hommes qui bâillent, une autre avec des insectes collés sur l’objectif ou encore une série de routes traversant des forêts. Kurt Caviezel observe la circulation à Sydney, un angle de rue à Istanbul, un intérieur à Kloten et un port en Amérique Centrale. Il visite des chambres de personnes inconnues, ironise sur la fiabilité des caméras de surveillance (avec les pancartes annonçant des pannes techniques) ou se moque gentiment des personnes masquées devant leur « webcam ». Cette dernière série est d’ailleurs produite spécialement pour l’exposition au CPG.
Avec Global Affairs de Kurt Caviezel, le Centre de la photographie prolonge sa réflexion au sujet de l’archive photographique, entamée avec les Carambolages d’Arnold Odermatt en 2001 et poursuivi tout le long des dernières années jusqu’à la grande exposition thématique La revanche de l’archive photographique en 2010 et plus récemment avec Doubles économies en octobre/novembre de l’année passée.