au clair de son ombre © Colette Pourroy
Colette Pourroy brouille les pistes. Ses images nous attrapent à notre insu. Nous flottons avec elles entre réalité et fiction, mémoire et rêve, nous naviguons entre passé et présent. Nous pénétrons sur un territoire visuel où les références et les influences se croisent, se mêlent, nourrissent une narration personnelle, intime et pourtant universelle.
C’est ce paradoxe qui est l’axe, le pivot de l’exposition « Au clair de son ombre ». Colette Pourroy a reconstitué et mis en scène ses années d’enfance. Et plus particulièrement le souvenir de son père dont elle ébauche ici un portrait en creux. Elle ne livre pas ici le récit d’une relation douloureuse ou conflictuelle. Aucun pathos, aucun malaise, aucun voyeurisme. Elle explore une absence à qui elle donne corps et âme. Elle nous entraîne dans une plongée au cœur de sa mémoire : celle d’une petite fille qui observe et attend les arrivées de son père, ses présences furtives, puis ses disparations fréquentes. Une petite fille qui grandit dans l’ombre de son père, dans l’espace et le vide qu’il laisse derrière lui. Vide qu’elle s’emploie à remplir entre chaque visite.
Si la blessure causée par le manque du père affleure, c’est véritablement la poésie enfantine qui nimbe les photographies de Colette Pourroy. Le jeu et l’imagination comblent l’absence. Les ombres furtives deviennent gardiens, héros ou énigmes. Des images fortes sont tapies, là, dans son esprit. Elles sont rares mais puissantes. Entre elles, l’espace peut être vertigineux. Il a été l’artisan de la construction d’un imaginaire. Imaginaire qui a lui-même nourri la mémoire de l’adulte, contribuant à donner consistance à ce père « fantôme ».
La silhouette maintes fois présente n’est certes pas tutélaire. Elle s’imprime discrètement ou surgit brusquement. Elle souligne de manière incongrue ou poétique, à la manière d’un Pierre Etaix ou d’un Jacques Tati, cette présence paternelle un peu décalée de la réalité, un peu absurde. Ces références cinématographiques ne sont pas des citations artificielles, mais des passerelles entre deux univers qui se confrontent et se complètent en un même esprit, l’un bien concret et implacable et l’autre ludique et onirique.
© Colette Pourroy - Au clair de son ombre
L’expressionnisme allemand de Friedrich Murnau ou de Fritz Lang traverse également plusieurs des compositions de Colette Pourroy. Sa culture et son apprentissage visuel participent aussi à la construction de ses images. Ces influences, conscientes ou non, donnent un caractère universel à la série. Elle peut librement résonner, vibrer et ramener chacun à sa propre histoire intime, à ses propres souvenirs ou émotions, à ses propres petites « madeleines de Proust » cinématographiques, photographiques ou littéraires.
Dans la production de ses images, Colette Pourroy pourrait régler ses comptes avec son passé, avec ce père étrange et épisodique. Il n’en est rien. Sans en éluder les douleurs et les blessures, elle revient tout en nuances et demi-teintes sur cette enfance, les parts d’ombre faisant place à la clarté. Des formes se matérialisent et s’incarnent, réconfortantes, alors que la figure paternelle peut paraître inquiétante, à tout le moins curieuse et éphémère. Réceptacle de ces émotions et sensations, les images qu’elle élabore sont aussi celles qui mènent à l’apaisement.
C’est dans ce théâtre d’ombres et de lumière que Colette Pourroy dresse le portrait de ce père évanescent. Les apparitions de cette silhouette, dans un escalier, au fronton d’un mur, sur le rideau d’une fenêtre, sont suives d’une lueur, d’une attente. D’un espoir délicat et frêle. Mais d’un espoir.
Colette Pourroy vit et travaille à Paris et en Provence. Après une formation à l’ENSAD et dans les arts plastiques et techniques de communication, elle se spécialise en graphisme et photographie.
Ses travaux sont régulièrement exposés depuis 2003.
La galerie
Depuis 11 ans, la galerie du Centre Iris propose une programmation liée aux expressions photographiques les plus variées. Chaque exposition s’engage à montrer des travaux d’auteurs aux démarches positives et constructives. Sans doute par une déformation pédagogique liée au centre de formation, le choix est clairement défini de ne présenter que des productions sereines, qu’elles soient intimes, sociales ou collectives.
© Colette Pourroy - Au clair de son ombre
Photos et vignette © Colette Pourroy