© Jacques Damez Courtesy Galerie Le Re?verbe?re
« Acrobate sur le fil de son réel / L’idée qu’une photographie serait le simple arrêt d’un regard sur un réel a la vie dure, comme si le mystère de la nature se dévoilait pleinement à l’oeil, comme s’il s’agissait de montrer clairement et que cela suffise à prétendre voir. (…) Par ses propres effets dislocateurs, affectant à la fois la photographie et le spectateur, les détails mettent les deux en état de défaillance du sens et de l’intelligibilité, le regardeur ne sait plus ou donner du regard. Naît là cette chose singulière : la virtualité d’un sens qui échapperait au mot pour se faire entendre. J’appelle cela “écarts”, je les traque pour saisir le double silence de la photographie et de son spectateur. (…) Cette puissance de fissure du réel fait surgir des perceptions qui n’ont rien à voir avec un savoir mais qui subrepticement, de façon latente, gonflent pour atteindre le moment privilégié de la relation pulsionnelle qui lie le photographe et le spectateur à la photographie. Nous sommes là au coeur de ce que je pense être la photographie, là où elle devient une pensée qui privilégie la vision au regard et à la vue pour interroger les modes de représentation. (…) En effet toute image n’atteint pas le statut de photographie.
Ici le fragile murmure des écarts fait la différence, ce battement qui donne à chaque photographie son épaisseur propre qui lui permet d’échapper à la banalité de l’évidence du sujet et aux facilités des effets. Nous sommes là face à une notion de poids, à un champ de sollicitation sensorielle ne ressemblant à rien et ne représentant rien de reconnaissable, c’est l’endroit où se faufile le doute contre l’effet de présence. Derrière les photographies se cache l’apparence d’un double absent qui sans doute rejoint celui du photographe. Le photographe doit danser avec l’espace pour imposer sa distance et reconstruire sa réalité, il doit sans arrêt négocier avec le vertige des évidences et des facilités d’apparence pour trouver l’oscillation de l’équilibre du trop près et du trop loin. Le photographe est un acrobate sur le fil de son réel.»
Jacques Damez
Un nouveau quartier de Lyon se crée à la Confluence, et avec lui l’élaboration d’une mémoire en évolution.
Le travail entrepris par Jacques Damez à la demande de Lyon-Confluence a été réalisé sur plusieurs années, il s’inscrit dans la tradition des missions photographiques à dimension patrimoniale. Nous pensons à la mission héliographique de 1851 commandée par la commission des Monuments historiques ou encore à la fameuse mission DATAR de 1983-1984. Ce récit photographique et littéraire associe, pour les trois tomes, le travail de Jacques Damez et les textes de trois écrivains : Jean-Pierre Nouhaud (2008), Lorette Nobécourt (2009), François Salvaing (2011). Les Cahiers de la Confluence
illustrent les étapes importantes de la transformation du territoire et du paysage urbain, mois après mois et année après année. C’est cette mutation rapide qui a motivé la publication de trois livres, pour ne rien perdre des étapes successives et conserver les traces de cet intense bouleversement.
Jacques Damez, 1959, artiste et photographe français, vit et travaille à Lyon. Au début des années 80, il ouvre une galerie avec Catherine Dérioz pour promouvoir et réfléchir à ce prélèvement sur le réel. 25 ans plus tard, l’aventure continue : toujours photographe, toujours galeriste, toujours avec Catherine. Il a mis ce temps à profit pour tenter de tisser des liens entre ces deux langues dans un essai traitant de l’importance
de la photographie dans l’oeuvre de Hans Hartung sous le titre de Hans Hartung photographe, la légende d’une oeuvre, qui au départ fut un diplôme à l’EHESS (2001) et a reçu le prix Arald 2004 de l’essai.
© Jean-Baptiste Perrot Courtesy Galerie NegPos
Tout a un commencement et une fin.
Toute chose se construit puis se détruit au cours d’un cycle de vie plus ou moins long.
Ce processus inéluctable est la source d’interrogations multiples sur la raison de l’existence de l’être vivant.
Cette problématique est beaucoup plus simple quand on l’applique à ce qui est le fruit de la main de l’homme.
Dans ce cas, la chose produite existe par le simple fait de répondre à un besoin.
Analyser la temporalité d’un objet façonné par l’homme permet de concentrer notre raisonnement sur sa matérialité, son caractère altérable, en évacuant la question du sens de son existence.
Le sujet de cette réflexion va se porter sur l’objet « Bâtiment » qui passe de l’état de construction, à l’état de fonction pour aboutir à l’état de ruine.
Rendre contre de ce cycle va se faire par le choix d’une architecture en cours de réalisation.
Jean–Baptiste Perrot va ainsi réaliser une prise de vue de cette structure naissante à l’aide d’un capteur numérique en fin de vie pour tenter d’en simuler une disparition partielle ou totale.
Nous allons passer ainsi en quelques minutes d’un état de construction à un état de ruine.
La ruine recouvre à la fois un état ou un processus.
C’est le processus qui ici l’intéresse.
Jean-Baptiste Perrot, 1972, artiste français, vit et travaille à Paris. Chacun de ses projets cherche à décrypter un peu plus en avant les tenants d’une prise de décision. Agit-on selon notre propre libre arbitre ? Où commence le déterminisme ? Sommes nous les sujets de contraintes inaliénables? A travers chacune de ses propositions, qui utilisent chaque fois une technique de réalisation différente, l’artiste tente de plier à sa réflexion le médium dans une définition qui lui est très personnelle où le point, la ligne et le plan, éléments récurrents de son langage plastique, jouent des rôles structurants.
Vignette © Jacques Damez Courtesy Galerie Le Réverbère
Photo © Jean-Baptiste Perrot Courtesy Galerie NegPos