© Valérie Simonnet
Galerie du Montparnasse 55 rue du Montparnasse 75014 Paris France
Il y a les victoires, les apothéoses lumineuses et puis parfois les défaites. Ces moments d'un temps distrait où le regard de la chance semble se détourner, où ce que l'on est se défait.
Valérie Simonnet aime ces moments de grande solitude où le sens semble égaré, car si les autres nous font, ils nous défont aussi. Elle saisit ces instants figés, stupéfaits qui précèdent la chute et ses conséquences. Le noir s'impose mais parfois la couleur semble plus noire encore. Une plongée sensible qui laisse entrevoir l'envers du miroir, le défaut de la cuirasse et l'opportunité d'une plongée au plus fragile de nous-mêmes la où cela tremble et palpite, la où cela vit et devient, car être « fait », n'est ce pas être mort? La plupart des défaites sonnent alors comme des victoires.
Depuis plusieurs années Valérie Simonnet poursuit un travail introspectif par l'image, considérant que l'on ne photographie jamais que soi. D'expositions en expositions « dissolutions urbaines » « le temps suspendu » « espace partagé » « la chute » elle explore l'humain dans les différents miroirs de la ville. Un regard mélancolique, poétique, des atmosphères oniriques avec un goût très marqué pour la composition. Pour cette photographe interprète de la réalité, chaque image raconte une histoire.
© Valérie Simonnet
Valérie Simonnet, la promesse de l’aube
Photographe de l’émotion comme elle se qualifie elle-même, Valérie Simonnet est venue s’installer dans le 14e il y a 10 ans alors qu’elle mettait un terme à une carrière en entreprise pour se consacrer entièrement à la photographie. Tournant d’une vie, l’artiste s’essaye depuis à se saisir de l’insaisissable réel. Sans sublimation ni trompe l’œil, juste en se libérant de toute idée préconçue et de toute influence. Jusqu’à se défaire du beau pour s’intéresser enfin à ce qu’il y a « à côté, au-delà ». Défaites, c’est d’ailleurs le titre d’une des 3 expositions qu’elle nous invite à découvrir à l’occasion du moi(s) de la photo dans le 14e.
Ses nuits sont plus belles que nos jours. Valérie Simonnet s’en va au petit matin avant que le soleil ne s’empare de la ville pour aller traquer l’image et se livrer à un exercice d’introspection nécessaire. Tel un exutoire ou le papier qu’on baigne dans un révélateur pour qu’elle dévoile une image du réel, l’artiste use de la photographie comme un moyen de se révéler à elle-même. Simplement en laissant son œil agir pour capturer une dissidence ou un accident dans ce réel toujours puissant, tantôt beau, écrasant, familier, abîmé, pluvieux : « Photographier une chose plutôt qu’une autre, simplement en vous promenant dans la rue, ce n’est pas un hasard, c’est ce que vous êtes capable de voir avec votre sensibilité, vos émotions. Quand je rentre et que je regarde ce que j’ai photographié, je me dis – tiens, voilà ce que je suis aujourd’hui-. On ne photographie jamais que soi. »
© Valérie Simonnet
Dis moi ce que tu photographies, je te dirai qui tu es : « la position de l’humain dans la ville est un sujet qu’on retrouve beaucoup dans mes photos, et notamment tout ce qui peut l’oppresser au quotidien : le gigantisme, la vitesse, la foule, ou les messages publicitaires ». L’une des ses expositions, La rue parle, traite du contraste entre ces slogans consuméristes et la réalité des gens qui les subissent : « Un jour j’ai photographié une affiche dans le métro qui disait chic, un pique-nique. Au pied du panneau publicitaire, un SDF et son chien. Voici une forme d’écrasement que j’essaie de transcrire». Sans doute la résonnance de son propre sentiment d’étouffement alors qu’elle voyait sa vie défiler sans parvenir à s’en satisfaire : « La quarantaine, c’est une étape clé dans une vie... Il y avait en moi une nécessité tout à fait impérieuse de vivre ma vie de manière plus précise, plus personnelle, plus impliquée et de ne plus être uniquement un rouage dans la vie d’une entreprise. La photographie m’a délivrée ». Heureuses « défaites », Valérie Simonnet est aujourd’hui une photographe qui se fait confiance, sortant son œil attentif, le plus souvent à l’aube, dans son familier 14e arrondissement : « il y a quelque chose de tragique à l’aube, on sort de la nuit noire pour aller vers la lumière du jour. Les gens partent travailler et sont dans une sensation intérieure différente. J’aime cette fragilité et cette renaissance de la lumière ». Une lumière d’autant plus essentielle que la plupart de ses photos sont en noir et blanc : « La couleur serait une distraction de plus. Quand vous faites un portrait d’une personne en couleurs, vous voyez ses traits. En noir et blanc, vous voyez son caractère ».
Alors, que la lumière jaillisse, que l’image apparaisse! Telle était déjà la vie rêvée de la petite Valérie à qui l’on offrait son premier polaroïd à l’âge de 7 ans « Je me souviens de cette petite boite noire d’où sortait une image instantanément rien qu’en appuyant sur un bouton. Il fallait vite la badigeonner avec un produit chimique pour qu’elle ne disparaisse pas et surtout… Ne pas se lécher les doigts après ! C’était de la pure magie ». Des milliers de photos plus tard, appareil numérique au poing, Valérie Simonnet retrouve chaque jour la magie de son enfance. Pour notre plus grand plaisir…
Maude Le Guennec
Vignette et photos © Valérie Simonnet