© Philippe Moulin
Villa de la Région 49, rue de Paris 97400 Saint-Denis France
L'exposition que nous fait découvrir Philippe Moulin c'est avant tout l'histoire d'une rencontre : celle de l'artiste, photographe, avec les chiffonniers de Darhavi.
Plus grand bidonville d’Asie, Dharavi accueille des milliers de personnes, les chiffonniers de Dharavi. Véritable communauté, ces chiffonniers vivent, à leur insu, complètement en marge de la société, et principalement du recyclage des déchets, depuis leur récupération jusqu’à leur transformation.
Qu’ils soient cinéastes, artistes musiciens, peintres, photographes de renommée internationale ou citoyens lambda, nombreux sont ceux à avoir décidé, par le biais de leur talent, de rendre hommage à ces travailleurs de l’ombre qui représentent aujourd’hui et plus que jamais un des maillons essentiels dans la reconstruction de nos sociétés pour un développement durable de notre planète.
La démarche artistique de Philippe Moulin c’est donc l’engagement de l’artiste mais aussi de l’homme en faveur de l’environnement et de la sauvegarde de notre patrimoine écologique.
Emouvantes et authentiques, les photographies exposées ne passent pas inaperçues. Elles interpellent le visiteur et l’invitent subtilement à une double réflexion sur un développement durable au service de l’Homme, de l’environnement et sur l’art lui même ; deux causes chères à l’artiste.
S’engager dans cette démarche, c’est montrer que l’artiste à un rôle important à jouer dans la société. A travers son œuvre, il décline tout en les sublimant les enjeux de notre monde contemporain : économiques, environnementaux et sociétaux.
Territoire insulaire, nous sommes à la Réunion, d’autant plus concernés par cette problématique et nous devons tous travailler à stimuler une réflexion en réseau, notamment en apportant notre soutien aux actions et initiatives écologiques porteuses d’avenir pour notre île.
Au delà de la qualité artistique des photographies de l’artiste, c’est sur cet engagement « quand l’art se met au service de l’environnement » que le Fonds Régional d’Art Contemporain accompagne et s’associe à l’exposition de l’artiste Philippe Moulin.
En ma qualité de Président du Frac, je ne peux que me réjouir que des artistes s’impliquent et s’engagent dans des causes auxquelles nous croyons fortement car finalement « nous sommes tous écolos ».
Jean-François Sita
Président du FRAC Réunion (Fonds Régional d’Art Contemporain)
© Philippe Moulin
Mumbai City
Les « chiffonniers de Darhavi à la Réunion »
Les indiens adorent et se laissent aisément photographiés. Cela est peut-être lié à ce qu’a pu dire Borgès : « On n’existe que si on est photographié ».
On n’existe que si on a une image de soi, que si on est (dans) un dessin de lumière qui devient un projet de vie. Un des principes du karma terrestre transite par cette nécessité ontologique : quelle image ai-je de moi-même pour m’en débarrasser et m’en libérer. Car l’Inde est ce grand pays à conscience collective où, paradoxalement, l’ego est le sujet de travail des grands sages de tous temps. L’ego est ce qui anime le vivant. Mais l’ego est aussi ce qui freine le vivant. Il produit des sentiments qui entravent la progression spirituelle de l’humain et autres règnes.
L’indien, dans les conditions les plus misérables, est capable de sourire.
On peut voir les indiens photographiés par Philippe Moulin comme des « dessins de lumière ». C’est bien sûr la définition basique de la photographie. Mais le regard du spectateur est aussi capté par les bleus et les blancs de poussières qui irisent les images lorsque l’auteur photographie en contre-plongée des scènes de vies d’hommes en plein travail. Comme il l’est par les faces lumineuses des femmes et fixes des enfants.
Contre-plongée et face sont les partis-pris du photographe dans ses prises de vue afin de mettre en lumière la vie d’un quartier-usine de un million d’habitants, situé en plein centre de Mumbai City : Dharavi. Ce quartier, avec son économie informelle de récupération et de recyclage des déchets, est à l’heure actuelle, voué à disparaître sous la pression de gros promoteurs immobiliers.
Mais que représente un million d’habitants quand un pays en compte plus d’un milliard ?
Il semble important, je crois, d’avoir toujours en tête ce nombre qui ne cesse de croître à vitesse élevée pour comprendre la vie indienne actuelle. La mort des « Chiffonniers de Dharavi » se retrouvant sans travail et sans logement pourrait passer inaperçue. Car pour l’indien, un million est un nombre insignifiant et constitue un tout petit village. Mais la mort des « Dharavi people », est aussi la mort de ces activités humaines de récupération, de transformation et de recyclage des déchets qui caractérisent l’économie de l’Inde et assainissent le pays.
Car si ses habitants sont comme tous les habitants de la planète, consommateurs et producteurs de déchets, ils s’en différencient par une conscience individuelle et collective d’économie : en Inde, on ne gaspille pas, et ce depuis très longtemps, surtout depuis 1920 où le pays a connu une grosse explosion démographique. C’est certainement avec cette conscience que le pays se maintient. Sans ces activités de traitement de déchets produits par un milliard deux de ses habitants, on peut imaginer et visualiser aisément la superficie totale du pays recouverte de détritus.
Outre la beauté des sujets photographiés et des photographies elles-mêmes, il a semblé important pour le Frac Réunion de s’engager à exposer le projet de conscientisation de Philippe Moulin à la Réunion. Cette petite île, ce petit village français de presque huit cent mille habitants, en plein milieu de l’Océan Indien, pourrait intégrer plus largement dans son économie les principes de récupération et de recyclage de sa masse d’objets de rebut.
Colette Pounia
Directrice du Frac Réunion
Plus d'informations sur http://nord.reunion.fr/fiche-etablissement/etablissement/2190-la-villa-de-la-region.html
Photo et vignette © Philippe Moulin