© Fabien Lapouge
Originaire de Dordogne, je suis photographe mais j’exerce aussi depuis plusieurs années mon métier de travailleur humanitaire et de travailleur social auprès de victimes de conflits armés, de populations migrantes, ou de personnes en situation d'exclusion, notamment au Tchad avec les populations réfugiées du Darfour, les populations déplacées, les groupes nomades, et en République Démocratique du Congo avec les populations victimes de la Lord Résistance Army dans le Nord Est du pays. Je travaille actuellement au sein de la Croix Rouge, j’interviens auprès de mineurs isolés étrangers et auprès des personnes sans domicile fixe. Ma pratique personnelle de la photographie et mes expériences professionnelles diverses me poussent à questionner les potentialités d'interaction entre la photographie et le travail social.`
Mon travail photographique prend socle dans les problématiques de l'errance et des migrations. Dans un premier temps, la photographie m’a permis la rencontre et l'échange au-delà des barrières de langues et des aprioris interculturels mais rapidement c'est la notion de déplacement qui est devenue le reflet de ma recherche : Témoigner de déplacements mais aussi donner du crédit à mes propres états d'errance, entre les sensations du voyageur, et les libres cours laissés à mon imagination.
L'imagination : garde-fou qui hausse le réel d'un ton quand le réel devient envahissant. C'est ici que s’opère un second déplacement important, celui du regard. Dans Psychanalyse du feu, Gaston Bachelard résume très bien cette pensée en disant que « devant une flamme, dès qu'on rêve, ce que l'on perçoit n'est rien au regard de ce qu'on imagine ». Pour moi, la photographie permet concomitamment de donner corps à ces rêveries et d'engendrer du rêve.
© Fabien Lapouge
Les clichés choisis pour l'exposition « Oculis Transire » à la Maison Hospitalière de Cergy le Haut sont tirés de plusieurs séries réalisées entre 2010 et 2012. Elles sont un état de ces rêveries, de ces divagations, où le photographe qui se « dé-place », qui cherche sa place en somme, persiste à traverser le réel, à révéler certains filtres, à confronter réalité et reflets de la réalité.
On franchit par le regard certaines limites, certains territoires intérieurs, certaines considérations de soi-même dans l'espace alentour. Les espaces urbains surchargés, où l'on prend la pleine mesure de nos accumulations et de nos entassements angoissants, et les mondes intérieurs de chacun, se superposent comme des strates de réalité.
Il y a ce conflit entre la multiplicité unique de chaque individu et l'unité sociétale. Un certain refus peut être… Et ce constat que tout passe, comme un paysage qui défile, et que, au delà de l'intérêt que nous portons à nos propres pensées, nos points d'attention, ces tâches sur lesquelles nous faisons des mises au point pour mieux les définir ; au delà de cela, nous ne maitrisons presque rien ! Accepter ce défaut de maitrise, c'est légitimer nos folies : individuelles et collectives.
Pour y voir du beau et se sentir libres.
© Fabien Lapouge
LA MAISON HOSPITALIERE ET SA DIMENSION CULTURELLE
La Maison Hospitalière a ouvert ses portes le 18 Juillet 2011, c’est un établissement qui accueille pour 6 mois des patients présentant des troubles psychiques sévères et durables mais ne nécessitant pas d'hospitalisation dans un service pour patients en phase d'acuité. Notre capacité d’accueil est de 60 places. L'idée étant de faire rupture dans la prise en charge habituelle centrée sur le patient et ses troubles pour mobiliser davantage les ressources qu'offrent les interactions entre le patient et son environnement. L’indication est donc portée par un médecin du patient lorsque la pathologie rend non thérapeutique les circuits et processus de soins habituels au point de provoquer une impasse ou l’épuisement de toute dynamique. De fait, cet accueil concerne tout autant le patient que sa famille et les professionnels extérieurs qui le connaissent. Chacun est partenaire de ce travail et doit trouver sa place au sein de la Maison (rdv réguliers qui permettent de remobiliser et de remettre de la temporalité autour de ces patients en grandes souffrances).
Photos et vignettes © Fabien Lapouge