© Jungjin LEE, série "Wind", 07-107, tirage argentique sur papier coréen, 145 x 75 cm
Galerie Camera Obscura 268 Boulevard Raspail 75014 Paris France
Nous sommes heureux de présenter pour la première fois en France une exposition de l'artiste coréenne Jungjin Lee, avec des oeuvres choisies dans deux séries : Wind et Thing, qui ont chacune fait l'objet d'une monographie (Wind : éditions Aperture, New York, 2009. Thing : éditon Minseogak, Séoul, 2005).
Bien que différentes par leur sujet, ces deux séries dessinent les contours d'une oeuvre exigeante, par une artiste qui utilise la photographie pour poursuivre une recherche intérieure quasi mystique, une méditation sur notre place dans le monde, sur notre rapport à la nature et aux objets.
Qu'elle pose son regard sur le lointain ou le proche, Jungjin Lee transcende la vision ordinaire et extrait du monde des "immémoriaux". Ses photographies nous font entrevoir ce que pouvait être l'art à ses débuts : une médiation chamanique qui reliait l'homme à ce qui l'entourait.
© Jungjin LEE, série "Wind", 07-76, tirage argentique sur papier coréen, 210 x 105 cm
Si loin, hors de portée, les paysages, montagnes et nuages de Wind...
Si proches, à notre main, les objets-sculptures de Thing...
Jungjin Lee a longtemps parcouru et photographié le désert. Robert Frank écrivait dans la préface du livre "Desert" paru en 2002 : "Jungjin Lee est la Voyageuse du désert Américain... Comme réalisées à la lumière de la lune, un calme instantané émane de ses images... Elles ont un pouvoir... Sur son chemin, traversant le vide, Jungjin a écouté une voix en elle. Sans carte, elle est capable de nous montrer la réalité de son obsession - et cela me touche."
Avec Wind, Jungjin a poursuivi son exploration de ces espaces ascétiques, hors du monde : un lieu abandonné des hommes, même si leurs traces demeurent, ici où là, presque effacées. Se confronter avec la présence formidable de la nature et des éléments, pour tenter de trouver une expression fondamentale, une justesse. Créer des images qui témoignent de notre présence et de nos limites.
"A une époque, je pensais que l'art était une poignée de main avec l'absolu, ou l'essence de ma vie... Au fil du temps, j'ai sans cesse tenté, dans mon travail, de retomber de ces hauteurs."
Regarder autour de soi : les objets qui nous entourent peuvent-ils nous définir ? Comme la confrontation avec l'espace lointain et extérieur du désert, les objets proches et familiers photographiés dans cette série ont été pour Jungjin le support à un exercice méditatif. Leur apparente familiarité se mue en étrangeté lorsque l'esprit se détache et se vide de pensées. Vus comme des formes sculpturales flottant dans le vide, détachés de leur fonction, les objets dérivent vers l'abstraction, ou semblent être la matérialisation d'un rêve.
"Mes images doivent être vues comme des métaphores : ni représentation du monde réel, ni expression de sa beauté visuelle, elles sont une forme de méditation".
La puissance visuelle et émotionnelle des images de Jungjin Lee est inséparable de leur forme. Travaillant sur du papier coréen traditionnel (en fibre de mûrier) enduit à la brosse d'une émulsion photographique, elle imprime sur cette matière le geste de sa main, comme si la brosse se frayait un chemin dans les nuages, les arbres et les roches. La taille des tirages, de un à deux mètres de base, est également choisie pour donner toute leur ampleur aux paysages de Wind et à la qualité sculpturale des objets de Thing.
Jungjin Lee, après avoir étudié la céramique à l'Université (Séoul), s'est orientée, en autodidacte, vers la photograpghie. Son premier travail personnel fut de suivre durant une année un vieil homme, qui, isolé dans une cabane de montagne, survivait grâce à la vente de sa récolte de ginseng sauvage. Ce travail devint un livre, une exposition, et un document historique, car il est la dernière trace d'un mode de vie aujourd'hui disparu.
Jungjin part vivre aux États-Unis en 1988 : elle y trouve une atmosphère stimulante de liberté et d'énergie. Etudes de photographie à l'Université de New York. Elle fait la connaissance de Robert Frank et devient son assistante. Premier voyage dans les déserts du sud-ouest, où elle découvre que le reportage et la photographie de rue qu'elle pratique à New York ne sont pas sa voie.
Elle fait ses premiers tirages du d'images du désert américain en utilisant la technique (qui sera dorénavant sa marque) le l'émulsion sensible sur papier coréen.
Elle se consacre depuis lors à une recherche personnelle qui a été montrée régulièrement aux USA et en Corée depuis les années 90 (Galeries Kukje, PaceWildensteinMacGill, Sepia, Aperture...). Elle a publié une dizaine de livres et son travail fait partie de collections publiques importantes (Metropolitan Museum of Art, Whitney Museum, Santa Fe Museum of Fine Arts, Seoul Museum
of Arts...).
© Jungjin LEE, série "Wind", 07-93, tirage argentique sur papier coréen, 145 x 75 cm
Photos et vignette © Jungjin LEE