© Deborah Turbeville
Galerie Serge Aboukrat 7, place Furstemberg 75006 Paris France
Mois de la photo 2012 Maison européenne de la Photographie 5/7 rue de Fourcy 75004 Paris France
Deborah Turbeville est une légende dans le monde de la photographie et de la photographie de mode. Cette « Amoureuse du temps passé » eut comme précepte de ne « jamais chercher à ressembler aux autres »
La photographie de mode, dominée par les hommes, est saturée d’images. Pour autant celles de Deborah Turbeville ne ressemblent à personnes d’autres car la mode ne fut qu’un moyen de parfaire son art photographique. Il y règne une ambiance vaporeuse, une couleur quasi- paradisiaque où l’intemporel flotte. Ses clichés élégants et distingués ont introduit une esthétique étrange, hors du temps, rare et insoupçonnée dans le milieu de la publication. Ils tendent à faire passer les modèles pour des apparitions de souvenirs. Fiction, rêve et fantasme métamorphosent le désir de s’échapper de la réalité, dans des lieux supposés abandonnés, propices aux mises en scène de Deborah Turbeville.
© Deborah Turbevile
Première femme photographe à travailler pour Vogue, où grâce à Richard Avedon, la décrivant comme « un véritable événement dans le monde de la photographie », en fit sa protégée. Elle s’imposa comme photographe et artiste tant elle avait un style particulier, une vision originale. Son reportage sur les « Bikinis dans une cimenterie » Alexander Liberman, directeur de Condé Nast, le qualifie comme « le plus révolutionnaire du moment ». Mais c’est son reportage de mode « The Bathhouse » qui la rend célèbre. « Unseen Versailles » le confirme. Cet ouvrage sur Versailles, né d’une commande de Jacqueline Kennedy-Onassis eut comme consigne d’évoquer « le sentiment qu’il y a des fantômes et des souvenirs ».
Le regard ailleurs des modèles semble ignorer l’espace de leur confinement. À ce stade elle rejoint son pygmalion Richard Avedon, comme me le dit David Hamilton, qui admire tant l’œuvre de Deborah Turbeville, la comparant à Edgar Degas, à sa manière d’affronter la notion de l’espace.
© Deborah Turbevile
Deborah Turbeville retravaille ses clichés (tout comme un écrivain son manuscrit, un cinéaste son story-board) consciemment dégradés, artificiellement abîmés, grattant, scotchant, épinglant pour donner l’illusion de vieux clichés et par là même, créant encore plus de mystère. Ses compositions sont autant de manières de donner une vision littéraire de la mémoire. Personnages enfermés dans leurs solitudes, aux regards d’exilés qui sans espoir, s’ignorent royalement, réfutant le passé pour mieux appréhender le présent. Par ces atmosphères érotiques, chaque photo est une invitation à un voyage délicat. Une tristesse qui part du passé et s’étend dans le futur.
Serge Aboukrat