©Bérénice Abbott
Les Douches La Galerie 5 rue Legouvé 75010 Paris France
Pour la première fois, la galerie parlera sciences avec les photographies de Berenice Abbott et de Raphaël Dallaporta. Dans des domaines différents, les mécanismes physiques pour l’un, l’anatomie pour l’autre, nous sommes dans le même registre photographique avec une rigueur extrême de composition d’images. Au-delà d'une force plastique évidente, ces deux corpus tentent d'explorer un nouvel univers, en s'éloignant de toute anecdote et de tout effet d’esthétisation. Avec ces différents niveaux de lecture, ces photographies « obligent » le spectateur à s'interroger sur sa propre « compréhension du monde ».
Raphaël Dallaporta, Fragile
La présence de l’humain, saisi et vu pour lui-même, hante l’univers de l’artiste non plus comme un accessoire presque convenu d’une photographie documentaire mais comme un des traits redondants de son travail. Chaque image, sous une apparente conceptualisation, dévoile une humanité forte. Et son travail fonctionne comme une sorte de préservation du réel. Si photographier, pour lui, est mettre un sujet à part, le dissocier de son contexte, il le fait pour faire réagir le regard. Un travail qui, au contraire de manipuler le réel, nous en révèle toutes les fragilités.
Fragile reprend le principe des Mines anti-personnelles : des sujets liés à l’homme et à ses dérives mais présentés hors contexte, sur fond noir et en taille réelle. Mais Fragile s’attache directement au corps humain dans ses accidents de vie et dans la mort. Accident domestique, homicide, mort subite, overdose, suicide, circonstances indéterminées....ces organes humains présentés comme des pièces de boucherie et que l’on hésite à reconnaître questionnent encore plus que n’importe quelle photographie de guerre ou de conflit.
Et c’est là la grande force de Raphaël Dallaporta : savoir transcender un sujet du banal et le transformer en une réflexion sur les possibilités poétiques de la photographie. Avec Fragile dont la première lecture peut sembler insoutenable, il donne à voir les impératifs de la réalité – et notamment notre propre mort dans un cadre toujours accidentel, effrayant et subi – pour le projeter dans un champ proche de l’esthétique et de la philosophie. Un travail cohérent et abouti qui s’expose et amène contemplation et regard sur soi. Un travail objectif qui ne relie ces images montrées à aucune temporalité.
Françoise Docquiert
©Raphaël Dallaporta XII Homicide Planche XII a. Dure-mère, 2011
Berenice Abbott, Documenting Science
"Nous vivons dans un monde façonné par la science, mais nous, les millions de profanes, nous ne comprenons pas ou n'apprécions pas le savoir qui contrôle ainsi notre vie quotidienne." Berenice Abbott, lettre à Charles C. Adams le 24 avril 1939, New York.
De 1939 à 1961, Berenice Abbott se concentre sur un nouveau sujet, celui des phénomènes scientifiques, menant pendant plus de vingt ans un combat tenace pour la vulgarisation et la démocratisation du savoir scientifique.
Voyant dans la science le sujet le plus passionnant du monde actuel, elle s'initie seule aux bases de la physique et de l'électricité, suivant des conférences, dans l'espoir de trouver des soutiens pour son projet de réunification de la science avec le grand public. Sa persévérance l'amène à rencontrer Gerald Wendt en 1944, rédacteur en chef de Science Illustrated, qui l'engage comme responsable photo. Son objectif premier est alors d'allier l'analyse d'une science complexe, l'exactitude scientifique, avec la simplicité d'une image compréhensible par tous.
La grande force de Berenice Abbott aura été d'avoir su utiliser l'abstraction comme moyen de réinterpréter le système physique d'une manière visuellement accessible, et ainsi parvenir au but qu'elle s'était toujours fixé, d'élargir la connaissance du monde.
©Berenice Abbott : Parabolic Mirror, Cambridge, Massachusetts, 1958-61 Format image : 27 cm x 34,6 cm, Commerce Graphics