© Véronique La Perrière M., Neuf des dix choses à rassembler pour devenir la personne que vous avez toujours voulu être (2008), Série d’objets
Galerie Sas 372, Sainte-Catherine Ouest suite 416 H3B 1A2 Montréal Canada
« L’objet est de plus en plus présent en art contemporain. » Bien sûr ce terme de l’objet tend à qualifier tous les objets d’art, toutes les œuvres. Pourtant, en organisant cette exposition qui réunit les œuvres d’une dizaine d’artistes, la galerie tient à mettre en relief l’importance et la puissance artistique actuelle de l’objet qui entretient un lien étroit avec la marchandise, le quotidien, le banal, l’utile, le souvenir, la babiole décorative ou l’artéfact.
Guillaume Labrie expose des objets aux dimensions humaines, ceux qui nous sont utiles et qui grâce à des stratégies de découpes et d’enchevêtrements opèrent une transformation qui fait passer l’objet familier à une intrigante structure. Des objets et du mobilier semblables à ceux que Karine Payette empile aussi en une tour qui pivote telle une enseigne à la gloire de leur amassement.
De même, l’accumulation chère à la pratique d’Éric Cardinal met de l’avant la matérialité sonnante des choses qu’il amasse et transforme en œuvre ; des œuvres qui fixent leur propre vacillement entre matérialisation et dématérialisation stratifiée grâce à un processus de moulage maitrisé. Le moulage est ce procédé qui permet d’enregistrer l’empreinte physique de l’objet de façon à le reproduire et le représenter dans un autre médium et un autre contexte.
Ainsi, les pièces de Chloé Desjardins parviennent à souligner cette manœuvre à travers laquelle les matériaux de l’art sont détournés: le papier d’emballage devient sculpture de bronze et le socle est sous vitrine. Le regard est dévié de façon à ce que l’objet d’art comprenne aussi et surtout son cadre de présentation.
Cette tension entre contenu et contenant se dessine autrement dans le coussin de Patrick Bérubé, là où il propose d’allier le confort et l’inconfort. Puis, le réconfort de l’animal de compagnie est déplacé vers un malaise lorsque celui-ci devient objet ; ici empaillé, ici photographié. Les oiseaux de Karine Payette font dialoguer le vivant de l’animal et l’inertie de l’objet dans un aller-retour porteur de réflexion sur notre relation aux « choses » qui nous appartiennent.
La glorification artistique de l’objet de consommation et le désir de possession qui y est rattaché ne date pas d’hier. L’héritage hollandais de la mise en valeur des objets par la nature morte est mis en scène et mis à jour dans la photographie de Shelley Miler de façon à présenter un chevauchement historique du désir de la marchandise consommable au point tel qu’il faille en manger pour la posséder. Ce désir de possession envahissant s’illustre dans les photographies de Peter Gnass où l’arbre – malgré sa grandeur immobile habituelle – emprisonne les objets comme s’il voulait les embrasser, les fixer en place, voire les dévorer.
© Shelley Miller, The Good Life, 2003
Le désir vorace de l’objet est inséparable des préoccupations artistiques de Laurent Craste qui par ses réflexions autour des couches de significations de la porcelaine touche précisément les questions de l’objet de convoitise.
À travers de différents désirs, la poésie qui émane des objets de Véronique La Perrière M. porte ceux-ci dans le domaine de l’imaginaire ou du souvenir, d’un passé ou d’un futur possible. Alignés sur une table ou précieusement conservés dans une boîte, là où le matériel est inondé de symbolique intime ou mythique et possède le pouvoir de former notre identité tel une recette magique. Le monde de l’imaginaire atteignable par la relation à l’objet porteur de fantasmagories est au cœur de l’installation de Catherine Bolduc qui, avec des souliers, un miroir et le basculement, fait miroiter le rêve d’un ailleurs. Peut-être une île de perles ?
Ainsi présentés, les objets de tous les désirs dialoguent afin de montrer comment ceux-ci deviennent des véhicules et prennent de forme de témoignages privilégiés afin de délivrer un propos. La force d’attraction que les différents objets opèrent dans nos sociétés et la manière dont elle modifie notre réceptivité sont les points d’ancrage d’une exposition qui désire présenter différentes facettes de la relation à l’objet.
Christelle Proulx