© Sabrina Biancuzzi Se?rie «She»
Galerie La Ralentie 22-24 rue de la Fontaine au Roi 75011 Paris France
L’exposition « Limbes » réunit trois séries de Sabrina Biancuzzi. La Galerie La Ralentie propose un dialogue entre gravure et photographie, une plongée dans une matière onirique, rendue tangible et tactile par le geste de l’artiste.
Cette incursion dans des mondes imaginaires ou métaphysiques est au centre de l’œuvre de Sabrina Biancuzzi. La notion de « limbes » lui convient particulièrement.
Elle convoque, dans son acception sacrée, l’attente de rédemption des âmes perdues, et notamment celles des enfants.
De manière plus contemporaine les limbes nous renvoient à un état vague, indéterminé, indécis, tout aussi bien enclin à glisser vers le néant que vers la lumière.
© Sabrina Biancuzz, Série «Impression onirique»
Federico Fellini évoque les limbes comme élément central de la création artistique : « Ce sont ces limbes, cette frontière entre le monde du tangible et de l’intangible, qui sont vraiment le royaume de l’artiste. » C’est ce territoire qu’explore depuis plusieurs années Sabrina Biancuzzi. Une quête artistique et intime.
Exposée pour la première fois dans une large proposition, la série « Impression onirique » matérialise la nature même du rêve. Composée de pièces de différentes techniques (vernis mou, aquatinte, eau-forte, pointe sèche, collagraphie, carborundum, monotype...), elle mélange les techniques sur une ou plusieurs plaques. La finalité étant souvent le résultat de plusieurs passages sous presse.
Le relief, la matière, la tonalité interrogent l’essence du rêve, son expression physique. Sabrina Biancuzzi restitue dans ses gravures une texture onirique que nous éprouvons avec elle. Sensiblement. Mentalement.
© Sabrina Biancuzzi, Série «Le 7ème passager»
On y décèle ou perçoit parfois des formes humaines, animales ou hybrides. Elles semblent flotter dans un monde aquatique aussi bien qu’aérien, mais aux confins d’un univers lointain. Ses réminiscences nous indiquent une présence constamment latente, étrangement familière et pourtant insaisissable. Sabrina Biancuzzi donne formes et corps à ces mouvements, ces émotions – angoisses, peurs, joies – qui traversent l’inconscient. Elle les invite dans une incarnation libre, non contrainte, et respecte leur profondeur, leur fluidité, leur fragilité. Dans sa recherche de matière et de tonalité, Sabrina Biancuzzi répond à la question de la couleur et de la mémoire des nuits. Ses estampes sont les reliques d’une contrée éloignée, elles restent hors du temps, dessinent le souvenir de parcelles inexplorées, souvent enfouies. Elles sont un lien, un pont entre nos deux mondes. Entre psyché et réalité.
Dans la série inédite « Le 7ème passager », Sabrina Biancuzzi quitte la gravure, mais y convie la trame de sa matière. Dans ce premier extrait de photographies (tirages argentiques rehaussés de pigments) elle s’éloigne également doucement d’une appréhension purement abstraite de l’inconscient. Elle s’empare de symboles universels mais également personnels pour représenter ces images qui hantent, qui poursuivent les rêves et le quotidien.
© Sabrina Biancuzz, Série «Impression onirique»
Comme pour l’artiste, ces images nous accompagnent malgré nous. Tour à tour créatures troublantes ou effrayantes, elles sont là, posées sur notre épaule et chuchotent parfois à notre oreille. Que nous disent-elles ? Quelles terribles vérités nous révèlent- elles ? Elles semblent toujours nous ramener à notre dimension de mortels, d’êtres faibles, soumis à la puissance de l’inconscient, aux aléas d’une existence que nous croyons maîtriser, peut-être soumise à des forces qui dépassent nos sensations et notre perception.
Anges gardiens, avocats du diable, elles sont les figures du souvenir de péchés ancestraux ou mythologiques, transmis depuis la nuit des temps ou bien oubliés le long d’un chemin, d’une histoire personnelle. Ensemble, ces figures agrègent un être composite, un guide vers une contrée sombre. Nous portons alors ces lourdes valises sans le savoir ou le vouloir. C’est un passager supplémentaire, qui, au-delà même de notre sixième sens, nous accompagne, en silence souvent, parfois violemment.
© Sabrina Biancuzzi, Série «She»
Dans la série « She », journal photographique toujours en développement, Sabrina Biancuzzi collectionne des instants de vie. Si elle semble abandonner les rivages de l’onirisme pure, elle nimbe ces fragments volés au temps d’une atmosphère poétique. Prisonnière consentante des rêves et des créatures de ses deux premières séries, Sabrina Biancuzzi tente avec cette série une échappée vers la réalité. Ce carnet d’images, collectionnées à la manière d’un herbier, est l’occasion pour l’artiste de rendre chaque photographie particulière. Ces tirages argentiques de petits formats sont retravaillés en techniques mixtes. Par l’adjonction de cire, de peinture, de pigments, etc., l’artiste s’affranchit de la réalité. Chaque image est une vision transcendée, comme un souvenir sur le point de s’effacer et que Sabrina sublime au sein d’une collection mouvante, où le caractère unique de chaque pièce participe à la volatilité et à la fragilité de la beauté, de l’éphémère de nos moments de vie.
L’image photographique devient une œuvre autonome, un objet emprisonné dans sa vitrine, comme un petit trésor que l’on garde secrètement. Avec un même négatif, l’interprétation varie et différents instants naissent d’un même moment.
Accumulées, ces images deviennent des petites icônes, les reflets d’une vie passée, où l’artiste et nous mêmes puisons un léger réconfort dans leur beauté troublante.
En réunissant trois séries, entre gravures et photographies, l’exposition « Limbes » témoigne de l’univers onirique de Sabrina Biancuzzi. Échos de nos propres peurs et angoisses, les questionnements de l’artiste sont aussi ses plus fidèles alliés.
Sabrina Biancuzzi
Spécialisée en photographie argentique et en procédés alternatifs, Sabrina Biancuzzi est à la fois photographe et graveur. Elle aime le travail de laboratoire et le grain des pellicules d’argent. Elle mélange souvent les techniques, joue des caractéristiques de chaque médium car, au-delà de la nécessité que l’image naisse, vient la recherche de matière, essentielle dans son expression.
Dans son travail elle laisse entrevoir l’intimité de ses voyages et rêves, mêlant ainsi le temps et les souvenirs. Sabrina Biancuzzi, 33 ans, est née en Belgique. Elle vit et travaille à Paris, enseigne la photographie et anime des ateliers d’arts plastiques.
© Sabrina Biancuzzi, Série "She"
Vignette : © Sabrina Biancuzzi, Série "She"