© Alain Balmayer
Depuis 30 ans, le photographe Alain Balmayer parcourt l’ouest américain, recensant les impacts de cette Amérique conquérante qui a élevé ses rêves jusqu’au coeur du désert. La Galerie Binôme est heureuse de présenter une sélection inédite des images en couleur et noir & blanc de la dernière décennie.
Habitations isolées, motels déserts, squelettes d’enseignes, panneaux de signalisation en forme de messages codés... l’accrochage témoigne d’abord de thèmes privilégiés, autant d’éléments improbables dans ces étendues immenses, écrasés de lumière. L’absence de point de repère permet des compositions pleines d’étrangeté, qui oscillent entre un rigorisme minimal et des visions surréelles ou absurdes. Sujet majeur de ces constructions photographiques, le vide révèle la monumentalité vertigineuse de ces espaces.
L’exposition explore également un aspect plus secret de l’oeuvre d’Alain Balmayer. En phase avec son humour décalé et en écho aux premières œuvres de Land art réalisées dans les paysages désertiques de l’ouest américain à la fin des années 60, il met discrètement en scène les lieux qu’il photographie, rassemblant là des déchets industriels trouvés sur place, posant ici des débris végétaux, traçant des sillons dans le sol ou dessinant des motifs de pierre, tels des signes extraterrestres en plein désert. Il est ainsi permis de le soupçonner d’avoir quelque peu arrangé les oreilles d’un lièvre imprudent, décimé sur une route du Nevada…
Une autre singularité du travail d’Alain Balmayer depuis les années 90 : le passage constant du noir & blanc à la couleur. Il n’est pas rare que le photographe double ses prises de vue en interchangeant les dos de son Hasselblad. En noir & blanc,
le jeu précis des gammes de gris, sans contraste appuyé au tirage qu’il maîtrise à la perfection, restitue l’enveloppe lumineuse et l’aridité des paysages privés d’ombre. En contrepoint, dans les images en couleur, l’intensité de l’atmosphère jaillit d’un parti-pris chromatique dense : le rouille métallique d’une carcasse de voiture, le rouge brique d’un mur, le bleu électrique d’un ciel d’orage ou le noir corbeau d’un des rares personnages présents à l’image.
Les recherches photographiques d’Alain Balmayer sont un road movie, il peut conduire des jours à la recherche d’un détail dans le paysage. C’est à l’évidence une obses-sion doublée de frustation. La route Zzyzx est la quintessence de sa quête, la route de nulle part et d’un chemin en lui-même.
Vignette : © Alain Balmayer