© Julien Gregorio
Focale photographie 4 place du château CH 1260 Nyon Suisse
« ...Nous demandons l’impossible, l’abolition de l’absurde, l’ignorance des lois, la distribution gratuite du bonheur, la poésie côtée en bourse, pas la lune mais Neptune...» (Les oranges amères ou la tolérance répressive, Genève, Intersquat, 1995)
Dans les années quatre-vingt, à Genève, le squat était considéré comme un moyen de lutte contre la spéculation immobilière et, de ce fait, toléré par la ville. Au milieu des années 1990, jusqu’à 160 lieux étaient occupés simultanément par plus de 2000 personnes. Dans ces lieux vides et délabrés, laissés à l’abandon depuis des années, s’est développée une façon de vivre parallèle, avant tout communautaire et associative, basée sur le partage et l’expérimentation de modèles alternatifs à la société marchande et consommatrice. Conséquence de l’abandon des politiques tolérantes qui prévalaient avant les années 2000, le squat s’est aujourd’hui exilé dans des roulottes à la périphérie de la ville.
Des occupations d’immeubles vides aux expériences de vie en roulottes, le photographe Julien Gregorio propose à travers une exposition et un ouvrage, un témoignage sur la (quasi) disparition du mouvement squat en ville de Genève. Ses photos évoquent des installations, des vies quotidiennes, des évacuations et les évolutions d’une forme d’habitat motivée par la crise du logement et des aspirations à la vie communautaire. Ça et là des objets, un matelas, un chauffage électrique, un petit mot laissé dans la cuisine évoquent les désirs, les luttes et les utopies. Les images viennent dire les expériences des squatters, d’une conception alternative de l’organisation du vivre ensemble fondé sur des principes de solidarité et de collectivisation, de convivialité et d’hospitalité, d’autogestion et de participation et enfin de créativité et de spontanéité. Remettant en cause le mode de vie dominant de notre société, le mouvement squat questionne ainsi notre ordre social et urbain et sa capacité à accueillir l’Autre (le marginal, l’étranger, le sans-abris).
Une certaine nostalgie se dégage des photos qui témoignent en effet d’un univers quasiment disparu. En même temps, elles donnent à voir la perpétuation de l’esprit des squats dans l’exploration d’autres possibles (roulottes, auto-construction). On découvre que l’histoire du mouvement squat à Genève a aussi été celle de l’invention d’une ville un peu plus hospitalière à la diversité des personnes et des manières de vivre. Ce travail en est la mémoire ouverte.
Vignette : © Julien Gregorio