Sans titre © Frank Horvat
« J'ai écrit quelque part qu'en 1995, j'avais abandonné mes expériences de photomontages numériques (Mythologies et Métamorphoses d'Ovide) avec le sentiment que, malgré tout leur intérêt, elles conduisaient à une impasse : trop de contrôle, pas assez d'imprévisible. Cependant, dans un coin de mon esprit, je gardais l'envie de relever encore une fois le défi : celui de produire, malgré la "toute-puissance" de Photoshop - ou justement grâce à cette "toute-puissance" - des images à la fois imprévisibles, composées d'après mes critères et impossibles à refaire (parce que je ne me retrouverais jamais dans l'état d'esprit du moment où je les avais produites).
Hélène Busnel (la même qui avait servi de modèle aux Métamorphoses) avait le projet d'un "travail à quatre mains". Elle s'intéressait (comme moi) à la sculpture. Comme moi, elle avait vu des reportages sur les carrières de Carrare et les ateliers de sculptures de Pietrasanta, et elle avait envie de les visiter. Je lui ai proposé de créer ensemble des images où nous aurions mélangé le réel et l'imaginaire, le spontané et le fabriqué, l'objet trouvé et l'objet conçu. Avec de la sculpture qui ne serait pas de la sculpture, des événements qui ne seraient pas des événements, de la photographie qui ne serait pas de la photographie.
Sans titre © Frank Horvat
Les prises de vue ont eu lieu en plusieurs temps : les décors en avril, en Italie, les nus en mai, dans mon studio dans la région parisienne, puis en juin, chez Hélène, en Picardie. Ces décalages contribuaient à l'imprévisible : au moment de photographier les décors, je ne savais pas (ou presque pas) où j'aurais inséré les "sculptures". En photographiant les nus, j'ignorais (ou presque) comment j'en aurais fait du marbre.
Je ne sais pas très bien quelle place et quelle signification attribuer à ce travail. Mais ni Hélène ni moi-même ne regrettons le temps et l'effort que nous y avons investis. »