© Eric Poitevin
Domaine de Chaumont-sur-Loire 41150 Chaumont-sur-Loire France
Consacrée au thème du paysage et de la nature, chacune des expositions de photographies qui prend place au Domaine de Chaumont-sur-Loire explore l’univers d’un artiste connu ou en devenir. Présentés dans les galeries du Château, mais aussi dans la Galerie du Fenil, cinq nouveaux ensembles d’œuvres sont à découvrir. Ils sont signés Darren Almond, Alex MacLean, Eric Poitevin, Gilles Walusinski et Brigitte Olivier.
Darren Almond
Fullmoon, Galeries du château et Night+fog, Galerie du Porc Epic
Sur les deux grandes séries photographiques, présentées dans les galeries du Château, l’artiste britannique Darren Almond propose une réflexion sur les notions de mémoire – individuelle et historique - , de temps et de durée.
Dans Fullmoon, l’artiste utilise le paysage comme sujet principal. Ponctuée de multiples références à la peinture (Constable, Turner, Talbot, Friedrich, etc.), cette série de clichés pris en pleine nuit, exposés à la lumière lunaire pendant 15 minutes, livre des images insolites, étonnamment lumineuses et d’un exceptionnel pouvoir poétique.
La série Night+Fog, a quant à elle été réalisée dans les plaines glacées de Sibérie septentrionale. Les dizaines de photographies qui constituent la série montrent des forêts pétrifiées, des arbres carbonisés et austères, dont la ligne se dessine sur des paysages de neige, vierges en apparence de toute trace d’humanité.
Alex MacLean
Sur les toits de New York, Asinerie
Les photographies d’Alex MacLean montrent l’étendue du vaste potentiel de toits et de terrasses de New York – la cinquième façade – et les moyens utilisés pour rendre la ville plus vivable au travers d’exemple existant à Manhattan et dans les quatre arrondissements périphériques. La prise de vue aérienne offre une nouvelle perspective pour apprécier cette seconde vie au-dessus de la ville, en montrant des modes de vie et d’installation insoupçonnables depuis le sol, ce qui est probablement la raison majeure pour laquelle ces espaces, cachés du regard piétonnier, restent sous-exploités. Pourtant, la richesse des exemples montrés, depuis les espaces extérieurs paysagers privés et publics, en passant par les premières formes d’agriculture urbaine ou les installations de toits verts pour lutter contre les aléas du climat, prouvent que la vie sur les toits recèle des possibilités innombrables à penser autrement la vie en ville. Les toits ne sont pas seulement des lieux de privilège, mais peuvent être aussi aménagés pour accroître la sensibilité des résidents – de New York, mais aussi de tous ceux vivant dans des grandes métropoles – à de nouveaux modes de vie plus coopératifs et durables.
Eric Poitevin
Chambre de la Princesse
« Le temps n’existe qu’à travers l’expérience des choses... Je serais tenté de penser qu’il n’existe pas en fait. Plus que le temps, c’est l’expérience qui existe. Je crois que l’on est en modification perpétuelle; nous sommes des récepteurs. » (Fragments d’un abécédaire, extrait d’entretien avec Pascal Convert, 1997). C’est donc une expérience qu’Eric Poitevin propose dans ses clichés : l’expérience d’une nature saisie avec précaution, précision, et révélant son essence intime. Sous-bois, cours d’eau, végétation humide de pluie et de brouillard sont les acteurs récurrents que l’artiste aime à convoquer dans ses œuvres. Dans la sélection de photographies présentées à Chaumont-sur-Loire, la nature est partout, semblant devoir être bientôt le théâtre d’un basculement, d’un événement à venir. Car les images prises en extérieur par Eric Poitevin sont le résultat d’une attente. L’artiste attend le moment juste, qu’il sait saisir pour nous le révéler.
Gilles Walusinski
Galeries Hautes du Château
1979 : année du Patrimoine. Pour célébrer l’événement, le Ministère de la Culture lança une commande publique, « Dix photographes pour le Patrimoine ». Gilles Ehrmann, Bernard Descamps ou encore Willy Ronis furent ainsi sollicités, au même titre que Gilles Walusinski. C’est dans le Périgord que ce dernier choisira de s’immerger, un mois durant, afin de saisir l’essence de cet « archétype rural français ». Ses photographies en noir et blanc, issues de négatifs réalisés « à la chambre », dépeignent la France profonde aux formats 13 x 18 cm et 10 x 12,5 cm… Une fenêtre sur un territoire et une histoire où « Les volets des vieilles sont entr’ouverts et veillent sur des places vides. Les enfants sont à l’école, les parents à l’usine, à la ville, les vieux au café, à l’hospice. Les notables mangent du confit. ». A Chaumont-sur-Loire, plus de vingt ans plus tard, Gilles Walusinski présente des tirages originaux de cette nature habitée. Dans des lieux symboliques d’un patrimoine à l’époque encore préservé du tourisme, il nous emmène sur les routes de campagne, dans les forêts, les villages, jusqu’à Monpazier, où la photographie de L’épicerie générale n’est pas sans rappeler celle du Café de France de Willy Ronis (L’Isle sur la Sorgue). Des paysages intemporels, d’une grande force de suggestion.
Brigitte Olivier
Disparition, Galeries Hautes du Château
Appareil photographique en main, Brigitte Olivier arpente un terrain en lisière de la côte atlantique. Ce littoral fait partie d’un territoire que l’artiste photographie en tentant régulièrement de nouvelles lectures de cette géographie en retrait. Elle y décèle les souches de pins tronçonnés à l’initiative des hommes. Ces « vestiges d’une figuration fugitive » sont au cœur de la série Disparition. Pour l’artiste, « cette figure quasi abstraite, émouvante et violente, ressurgit du visible dans l’exacte répétition concentrique des coupes, avant de se disperser dans le néant. Elle délimite son essence, dessine sa forme sans jamais être identique à une autre. Cette approche systématique tient lieu, d’une certaine façon, de portrait. Portraits d’arbres comme lecture de l’âme ou comme autopsie des signes entre la vie et la mort. Dé-contextualisés mais situés à l’intérieur du silence de l’image, les pins sont regroupés en série, condamnés à exister à nouveau dans une représentation plastique. ». A la limite de la peinture, les images accumulées de Brigitte Olivier fascinent le regard, évoquant par leur texture les œuvres de « haute pâte » de Jean Fautrier.
Vignette : © Eric Poitevin