SANDRA ET RODRIGO Tristan Suarez, janvier 2008 © Franck Boutonnet
Médiathèque du 4eme-Lyon 12, rue de Cuire 69004 Lyon France
Le 24 mars 1976, le peuple argentin subit un coup d’état militaire. C’est le début d’une ère de répression sanglante, où quelque 30 000 personnes disparaissent et près de 500 bébés sont volés. Mais s’ouvre également une période d’ultralibéralisme débridé, qui survivra même à la dictature. Les 19 et 20 décembre 2001, après 25 ans de politique économique néolibérale catastrophique, orchestrée de concert par le FMI, la réserve fédérale américaine et certaines banques privées, et une dette extérieure vertigineuse, le peuple, exsangue, se soulève. Et malgré une répression à balles réelles, les manifestants résistent. Le président Fernando de la Rua est contraint de s’enfuir piteusement par hélicoptère du toit de la Casa Rosada, le palais présidentiel situé au cœur de Buenos Aires au bout de la célèbre place de Mai.
S’ensuivra une période euphorique où beaucoup d’Argentins, las d’un système qui les accule de plus en plus, réinventent un « vivre ensemble ». Leurs actions s’inscrivent souvent dans une vie de quartier où d’autres modes de production, d’échanges et d’inventions collectives sont expérimentés. Depuis, de nouvelles élections ont eu lieu, voyant se succéder la dynastie des Kirchner à la présidence de la République, Nestor et Cristina, se revendiquant du péronisme. Tout en permettant au pays de sortir de la crise économique profonde, notamment en renégociant le rééchelonnement de la dette privée, les Kirchner répriment durement les mouvements sociaux, notamment ceux issus de la contestation de l’après 2001. Finalement, les bons chiffres macro-économiques cachent un quotidien toujours fragile pour une grande partie de la population, aujourd’hui encore, en 2012.
QUE NO SE REPITA / QUE CELA NE SE RÉPÈTE PAS, Buenos Aires, décembre 2007 © Franck Boutonnet
Conscienza est un essai photographique documentant une vision poétique et politique de cette Argentine qui n’oublie pas, qui regarde son passé en face, lui demande de rendre compte de ses erreurs, voire de ses crimes, qui ne se résigne pas même dans un présent incertain, qui lutte et finalement s’organise pour un futur qu’elle espère plus juste et égalitaire pour tout le monde. Le mot Conscienza se réfère à une vision métaphorique de toutes ces luttes et résistances, des plus importantes aux plus discrètes, dont j’ai pu être témoin. Frank Boutonnet