Bois, Série l'entente sauvage © Antoine Picard
Antoine Picard développe un travail où la nature et la ville se mêlent en des formes autonomes. Dans la rue émergent des signes de réappropriation du végétal, alors que la campagne est parsemées de vestiges urbains. Il semble qu'un ordre nouveau se met en place. L'homme reste le protagoniste privilégié de cette suite de phénomènes ordinaires. En forêt, les ruines ressemblent à des constructions aux usages archaïques. Une cabane en parpaing prend des allures de château fort. Un pont en pierre cimentée semble faire corps avec les feuilles et la mousse. On sent comme une relation de pouvoir ambivalente, un jeu du plein et du vide. En ville, on coupe et recouvre pour un tempsdonné. La nature pousse les limites qu'on lui impose. Et installe ses bosses et expansions en autant de marques empiriques. L'habitant tente sa petite occupation. Il pose un chevron sur un trottoir comme un acte à la fonction énigmatique et sculpturale. Chaque démonstration anonyme de conquête est venue ainsi engendrer la possibilité d'une autre réalité. Comme si dans ces coulisses à la poésie manifeste se jouait la puissance discrète d'un évènement.
Les anciennes petites villes industrielles sont hantées par une atmosphère particulière, elles restent comme en suspension face à leur passé récent. Elles vivent avec les traces et les saignées apparentes de ce qui fut leur gloire. En évitant le spectaculaire, Antoine Picard s'est rendu dans les abords des usines, au sein des vieuxquartiers ouvriers. Leurs architectures simples et rapidement montées, aux matériaux de mauvaise qualité, entravent l'individualité de la maison. Elles semblent figées dans leur présence générique. Pour se les réapproprier, l'habitant a du faire preuve de subterfuges, de cette faculté à composer avec ce qui tombe sous la main. Un rapport ambigu au temps se met en place, entre les sensations contradictoires de
permanence et de précarité. Dehors, en forêt, les quelques vestiges ont été envahis par la végétation. On dirait des constructions aux usages archaïques. Une cabane en parpaing prend des allures de château fort. Un pont en pierre cimentée semble faire corps avec les feuilles et la mousse. On sent comme une relation de pouvoir ambivalente, un jeu du plein et du vide.
De ces zones à l'humanité vacillante, Antoine Picard a composé une suite de constats comme résultats de phénomènes ordinaires. Le regard distancié évacue un contexte qui détournerait du sujet, de la forme qui fait sens. Dans un univers délicat et inquiétant, le désuet et le bricolé se transforment en sculptures involontaires, en autant de signes empiriques mystérieux. Chaque petite marque anonyme de conquête est venue engendrer la possibilité d'une autre réalité. Comme si un ordre nouveau prenait place à notre insu. Comme si dans ces coulisses à la dramaturgie silencieuse se jouait la puissance discrète d'un évènement.
Pierres, série l'Entente sauvage © Antoine Picard
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