© Gaëtan Rousselet
Institut Culturel Roumain 1 rue de l'Exposition 75007 Paris France
Au coeur de l'Institut Roumain de Paris, la Galerie Rue de l'Exposition - orientée vers la "photographie engagée" - s'est donnée pour thème de programmation en 2012 les «Réminiscences». C'est donc tout naturellement que l'exposition Transhumances ouvre cette nouvelle année.
Ce sont deux photographes amoureux de la Roumanie qui ont pris l'initiative de réaliser des reportages sur un métier ancestral en voie d'évolution, si ce n'est de disparition ; celui de berger. Dragos Lumpan, enfant du pays né en 1969, propose des photographies sublimées par son éclairage : la lumière projetée de l'arrière du cadre transparaît à travers l'image. Le dispositif fait ressortir la manière dont le photographe maîtrise les poses longues durant les nuits où les bergers dorment à la belle étoile avec leurs troupeaux ; ainsi que les photographies instantanées en pleine journée à suivre la production du fromage. L'artiste suit depuis 2007 des bergers à travers toute l'Europe, s'interrogeant sur la disparition du métier et les frontières des dernières transhumances. L'ensemble de sa série crée une atmosphère fantomatique parfois à la limite de l'intemporel, comme si le métier n'existait déjà plus. Cependant, les "cartels" qui accompagnent les photos créent le décalage : si les dates manquent, les lieux de prise de vue sont manuscrits directement sur le mur.
L'anthropologue Gaëtan Rousselet s'est quant à lui intéressé aux bergers de Maramures, région au nord de la Roumanie, dévoilant la vie intime de ces gardiens de troupeaux. Aux frontières de l'Ukraine, cette région encore très rurale se trouve face à une transformation radicale due aux normes de l'Union Européenne : sa production locale et artisanale en est bouleversée, poussant des bergers aguerris à la faillite. Bien que témoigner de la métamorphose du paysage social de la Roumanie s'avère intéressant, la qualité des images et de leurs tirages n'est pas toujours au rendez-vous ; la force documentaire du sujet en pâtit.
On retiendra que le travail des deux photographes se complète adroitement pour restituer une vision globale du mode de vie de ces populations, qui évoluent encore aujourd'hui au rythme de la nature. De l'ensemble, une forme de nostalgie se dégage.
Aurélie Laurent. Vendredi 2 mars 2012.
Dans l’histoire de l’humanité la transhumance est l’une des activités pratiquées depuis des millénaires, depuis que l’homme s’est occupé à élever des animaux comme moyen de se nourrir et de subsister. Cette tradition, conditionnée par la nature et les saisons est de nos jours en voie d’extinction face à l’industrialisation de l’élevage des animaux et aux changements des modes de vie. Les bergers ne veulent plus prendre la route, souhaitant se sédentariser ou même changer de métier.
Dragos Lumpan et Gaëtan Rousselet font chacun de son côté une documentation qui aura sans doute bientôt une valeur d’archive sur les bergers qui pratiquent encore la transhumance.
Dragos Lumpan, photographe roumain chevronné, a suivi pendant plusieurs années des bergers dans leurs voyages de transhumance. Les images qui en ressortent dévoilent d’une façon quasi-picturale l’atmosphère, l’état d’esprit des bergers et suggèrent avec poésie la communion avec la nature, un aspect presque méconnu pour la plupart d’entre nous, les citadins.
© Dragos Lumpan
Gaëtan Rousselet, ethnographe d'origine belge, s’est davantage situé dans le cadre d'une recherche anthropologique considérant sur deux années un microcosme pastoral du Maramureş. Dans le droit fil de la tradition photographique documentaire, ses images présentent des scènes de la vie quotidienne des bergers dans l'intention déclarée de questionner le stéréotype les réduisant, la plupart du temps, à de vils gardeurs de troupeaux. Il s'agit au contraire de montrer que chacun d'eux opère à partir de choix culturels spécifiques : pratiques sociales et religieuses, positionnement vis-à-vis des normes européennes, etc.
Mises ensemble, les vues des deux photographes se complètent réciproquement pour dresser une image complexe du monde des bergers et de la transhumance, une réminiscence d’un monde qui ne tardera à devenir révolu.
Vignette : © Gaëtan Rousselet