
© Edith Gilbert
Edith Gilbert est née à Pecq (Tournai. Belgique) et vit et travaille dans le Brabant Wallon. Entre 1971 et 1973 elle étudie la photographie au “75” à Bruxelles sous la direction d’Yves Auquier. Elle obtient de nombreuses commandes de reportages, et participe à plusieurs expositions de groupe.
Ne pas savoir, mais voir, rien que voir, regarder, scruter, pénétrer et se laisser envahir ; permettre à l’objet de notre attention, au mouvement observé de nous induire en rêve, en imagination créatrice. Les artistes sont peut-être ceux qui proposent leur travail – au sens où une femme est en travail - et son fruit en déclenchant l’imaginaire de ceux qui le reçoivent. Un jeu entre deux je, puis d’autres je, et d’autres encore par contagion; enthousiasme fertile. Ainsi je me tiens en alerte, tous sens en éveil, en face de ces fragments de réel saisis par Edith Gilbert, comme autant de haïkus ; je suis sans passé ni avenir, simplement ici maintenant; les images naissent et m’assaillent sans violence, vagues successives imprimant dans la sensibilité leurs entailles, scarifications, traces. Je déplie, je déploie ce tissu froissé, frissonnant ; j’y décèle des signes, des secrets, des merveilles. Le sable est sans mémoire, sans avoir: à chaque marée, se défont, s’effacent le délicat brodé d’une écume, les nervures arborescentes, le renflement sensuel. Tout est à réécrire. Déjà, sur l’aire essorée, s’ébauchent les dessins sans précédent. La brise, les autans, les tempêtes vont caresser ou inciser, strier; tailler, tanner, polir; emporter, défigurer en léguant une empreinte, une écharde, un tatouage, un coquillage. Autour de nous murmurent les poètes de la mer, du sable et des rochers; leurs voix attisent le plaisir comme un écho et une incitation. J’entends la phrase rocailleuse de Guillevic :
Rocher,
Je crois savoir pourquoi
Tu as quelque chose
De commun avec un poème,
Un vrai.
Toi, pas plus que ce poème
Tu ne bavardes,
Tu ne t’épanches
Dans une langue qui ne serait pas
Le suc de la roche.
Tu te bornes à parler pierre.
Colette Nys-Mazure, décembre 2011