Le travail qu'Orlan déploie depuis de nombreuses années, avec une cohérence et une rigueur exemplaires est une source d'inspiration et de réflexions pour ses contemporains. Ceci d'autant plus que personne mieux qu'elle commente et met en critique l'histoire qui sous-tend son travail. Cet écho manifeste aussi une admiration et une fascination. Ce qui fait qu'Orlan est une star vient des questions qu'elle se pose et qui rencontrent nos obsessions : elle est un livre ouvert séparant ce qui est crucial de ce qui ne l'est pas, le corps d'une femme en est le centre. Ses hybridations de soi, sa mue, son manteau d'Arlequin donnent à penser ce que sont pour elle comme pour nous, des marqueurs de notre temps : la place de l'anthropologie dans son oeuvre témoigne d'un de ces marqueurs. La violence a repris. Les trente dernières années n'ont été qu'une trêve pour le corps des femmes et la représentation de cette violence reste aussi imperceptible dans les religions contemporaines que dans l'histoire de l'art chrétien. Certaines femmes en redemandent (du voile, encore du voile), certaines rêvent de devenir des criminels ou des terroristes au regard des sévices commis à leur endroit : le viol et l'excision. Une seule, Orlan loin de tout masochisme et de toute victimisation conçoit et réalise l'Art Charnel qui s'oppose à la délectation de la vision du corps des femmes martyrisé dans bien des pièces du Body Art.
Orlan est une artiste s'exprimant à travers différents supports : peinture, sculpture, installations, performance, photographie, images numériques, biotechnologies. C'est une des artistes françaises de l'art corporel les plus connues du grand public en France et à l'étranger. Son oeuvre se situe dans divers contextes provocateurs, légitimée par son engagement personnel. Dès les années 1960, Orlan interroge le statut du corps et les pressions politiques, religieuses, sociales qui s'y inscrivent. Son travail dénonce la violence faite aux corps et en particulier aux corps des femmes, et s'engage ainsi dans un combat féministe. Elle fait de son corps l'instrument privilégié où se joue notre propre rapport à l'altérité. En 1978, elle crée le Symposium international de la performance, à Lyon, qu'elle anime jusqu'en 1982. Son manifeste de l'"art charnel" (Carnal Art Manifesto) est suivi d'une série d'opérations chirurgicales - performances qu'elle réalise entre 1990 et 1993. Avec cette série, le corps de l'artiste devient un lieu de débat public. Ces opérations chirurgicales - performances ont été largement médiatisées et ont provoqué une vive polémique, bien qu'elles ne représentent qu'une infime partie de son oeuvre intégrale. Le travail d'Orlan sur le corps se fait également par le biais de la photographie : ainsi trouve-t-on ce médium dans la photographie-sculpture du Baiser de l'artiste, mais aussi des photographies d'Orlan en madonne, dans le dispositif scénique des opérations chirurgicales - performances, photographies-affiches de cinéma, etc. Orlan explore également l'utilisation des nouvelles technologies dans le domaine des arts. En 1982, elle crée le premier magazine en ligne d'art contemporain, Art-Accès-Revue, sur minitel. Dans son travail de la fin des années 1990 et du début des années 2000, les Self-Hybridations, l'artiste, par le biais de la photographie numérique et des logiciels de retouches infographiques, hybride des visages de cultures différentes (amérindiens, pré-colombiens, africains). Orlan tente ensuite d'élargir encore les frontières de l'art contemporain en utilisant les biotechnologies pour créer une installation intitulée Manteau d'Arlequin, faite à partir de cellules de l'artiste et de cellules d'origines humaine et animale. Parallèlement, Orlan enseigne à l'Ecole nationale supérieure d'arts de Cergy-Pontoise. En 2005, elle obtient une résidence d'un an à l'ISCP, à New York, par l'Association française d'action artistique (AFAA), et en 2006 elle est invitée à Los Angeles en résidence au Getty Research Institute, laboratoire de recherche du Getty Center.