Après avoir voyagé sept ans à travers le monde, Sophie Calle revient à Paris. Perdue, sans désir professionnel, sans capacité précise, sans amis, elle décide de suivre des gens dans la rue: une manière de retrouver Paris à travers les trajets des autres.
Bientôt, elle se prend au jeu, photographie, note ses déplacements, choisit un homme au hasard et décide de le suivre à Paris puis à Venise: une manière de s’occuper.
Plus tard, la remarque d’une amie sur la tiédeur des draps, lorsqu’elle se couche auprès d’elle, l’interroge. Elle décide alors d’inviter des gens pris au hasard à venir dormir quelques heures dans son lit.
"Je voulais que mon lit soit occupé vingt-quatre heures sur vingt-quatre, comme ces usines où on ne met jamais la clé sous la porte. J’ai donc demandé aux gens de se succéder toutes les huit heures pendant huit jours. Je prenais une photographie toutes les heures. Je regardais dormir mes invités. […]. Une des personnes que j’avais invitées à dormir dans mon lit et que j’avais rencontrée dans la rue, était la femme d’un critique d’art. Quand elle est rentrée chez elle, elle a raconté à son mari qu’elle était venue dormir huit heures dans mon lit et il a voulu voir de quoi il s’agissait. Et c’est comme ça que je suis devenue artiste."
Conférence donnée le 15 novembre 1999 à l’Université de Keio (Tokyo)
Le statut d’œuvre désormais accordé aux deux projets, Suite vénitienne (1980) et Les Dormeurs (1979), un nouveau mode de présentation, sous forme de photographies et de textes, est envisagé. Par sa seule intention, Sophie Calle opère le passage: la distraction devient démarche artistique et les documents, œuvres.