
© Ekaterina Petrova
galerie fontaine obscure impasse grassi 13100 Aix-en-Provence France
La chose est entendue, tout conflit définit de prime abord une situation éminemment cinématographique ou photographique, mais moins par les ressemblances visuelles et les connivences narratives qu'il entretient avec ces mediums, que par la même soumission à la règle de l'ici maintenant. Sans inscription territoriale, et sans développement temporel, les tensions qui alimentent le conflit ne sauraient exister en dehors d'un noyau originel à partir duquel la contamination reste possible. Du même coup le conflit peut paraître plus grand que ce que l'on voit en débordant des limites qui semblent le circonscrire. L'effet métonymique, en focalisant des scénographies particulières, fragmentaires et limitées, renvoie, dans la plupart des cas, à des situations plus vastes, voire plus universelles. De ce point de vue, c'est parce qu'il y a conflit que les choses changent, bougent, se transforment et évoluent. Dans un monde qui en serait dépourvu, il n'y aurait pas d'Histoire.
De là, ce qui caractérise en propre l'humain à travers l'usage du corps, se décline en une succession d'histoires où s'interpénètrent le public, le privé, le politique, l'intime, l'animal... Mais de l'un à l'autre, toujours les règles changent. À cette décennie peut correspondre une série d'images de la fragmentation (travail d'Aliza Veneziano), visant à construire d'étranges chorégraphies qui ne sont pas sans rappeler les corps allongés sur la plage dans « L'homme à la caméra » de Tsiga Vertov, mais aussi, pour s'en éloigner sur la composante humaine et sociale. Quand le corps se vide de sa sève sociale il ne peut que se désarticuler et tenter de se reconstituer ou alors, sans pouvoir se déporter, s'abandonner à une étrange danse compulsionnelle comme dans la performance vidéo « Le son du corps ». C'est dire aussi que le conflit peut être de forme involutive, en tension interne où toute expansion lui est interdite hors des limites du corps. Que ce soit par un socle noir, caisse de résonance des sons corporels, le mouvement qui en émane n'est qu'un écho déformé, variation infinie de ce qui ne peut se dédoubler à l'identique et qui rejoint le régime des ombres portées sur le mur du fond de la pièce... L'antichambre d'amour pour parodier en l'inversant celle de Bernard Faucon contient jusqu'à l'implosion, le conflit dans une explosante fixe limitée à la double convergence des espaces tout autant mental que spatial.
Pour revenir au présupposé de l'ici maintenant, s'il inscrit les figures dans des contingences spatio temporelles contraintes, c'est aussi pour mieux les dynamiter dans les diverses propositions plastiques présentes ici. Le temps et le lieu, pour chacune des oeuvres, semblent déborder des limites qui les circonscrivent : au particulier des situations correspond une universalité et à l'unicité des prestations une projection imaginaire collective. Du coup le conflit devient une forme de subversion, la possibilité d'une contamination généralisée.
Alain Marsaud
Photographies de : Alexandria Vernon, Aliza Veneziano, Amandine Ferrando, Ekaterina Petrova, Chloe HOLZL, Lisa Dumas, Ophélie Céleste, Stéphanie Marek, BillieBilly, Savinien Clerc, Karoline Straczek