© Marc Harrold
Galerie Basia Embiricos 14, rue des Jardins Saint Paul 75004 Paris France
" On aurait pu s’attendre à ce que Marc Harrold, auteur d’une série d’œuvres photographiques intitulée Playas (Plages) tienne un discours sur l’identité ou sur la superficialité de nos rites modernes, il n’en est rien.
Les silhouettes sombres qui renvoient à la présence humaine dans ses paysages habités restent anonymes ; leur échelle, parfois lilliputienne, permet tout juste de dresser une micro typologie (comme celle des neuf moules mâlics du Grand Verre de Marcel Duchamp ou celle de personnages des films de Jacques Tati), « le surfeur , « le porteur de parasol »… Quant à la lisibilité des codes sociaux représentés, elle reste énigmatique, flottant au sein d’immenses plages de blanc propres à accueillir les projections de notre imaginaire; less is more semblent nous rappeler les compositions minimalistes de l’artiste.
L’utilisation systématique d’un format allongé n’est pas justifiée mimétiquement par le choix du sujet mais marque une connivence entre le travail présenté et l’ornement dans l’architecture. Cette connivence est soulignée par la simplification des figures qui leur confère une portée collective et symbolique ; on retrouve une forme d’idéalisation analogue dans les fresques de Puvis de Chavannes où les personnages sont traités sans modelé.
Les Playas ne se contentent pas de jeter le trouble sur leur sujet, elles questionnent également les codes esthétiques : distance avec l’illusionnisme photographique et la vérité documentaire, croisement du photographique et du pictural (avec l’utilisation d’un logiciel numérique et le motif de l’ombre, origine mythique de la peinture). La méthode de production inventée et réitérée par Marc Harrold crée un lieu problématique, entre paysage et utopie.
Dans le film The Swimmer (Le Plongeon), 1968, Burt Lancaster nage de piscine privée en piscine privée pour dénoncer radicalement un mode de vie matérialiste ; aujourd’hui, lorsque Marc Harrold passe d’une plage à une autre il élabore une oeuyre ouverte, à la contemplation de laquelle émergent, dans l’esprit du spectateur, une suite raffinée de références historiques et contemporaines*.
* La démarche de MH convoque en particulier : pour son aspect anthropologique, celle de Vanessa Beecroft, pour le goût des foules, celle d’Andreas Gursky, pour la rencontre entre la peinture et la photographie, celle de Jeff Wall, pour l’attention portée au mouvement, celles de chorégraphes comme Régine Chopinot, etc.). "
Véronique Corme
Vignette et images ; © Marc Harrold