© Patrick Sarfati
Il y a 2000 ans , les peuples Anatoliens s’enduisent le corps d’huile d’olive . Dès le 11ème siècle , les Turcs d’Asie centrale qui envahirent L’Anatolie, leur apprirent la lutte libre . De ce télescopage culturel naquît dès 1347 la légende des frères lutteurs Ali et Sélim qui se battirent ensemble jusqu’à la mort.
En 1348 , Sulayman Pacha et ses soldats se réunirent autour de la tombe des deux frères, où surprise , quarante sources jaillirent spontanément .
Sulayman Pacha nomma ce lieu «Kirkpinar», les quarante sources près d’Edirne où depuis, tous les soldats luttent en mémoire des deux frères combattants.
Ce fût le début de la légende. Depuis près de sept siècles, les lutteurs de Thrace, D’Anatolie, de Cappadoce et de toute la Turquie viennent combattre trois jours par an à Kirkpinar sur le champs d’honneur pour conquérir la ceinture d’or du championnat du monde de lutte à l’huile : Yagli Gures, ce sport ancestral typiquement Turc, comme l’est le Sumo au Japon, comporte un cérémonial. Les Yagci enduisent le corps des lutteurs d’huile au son du conteur, le Cagzir présentateur, chanteur, qui loue le courage des combattants : «C’est à Kirkpinar, berceau de notre sport, que ceux qui viennent pour lutter sont les bienvenus dans ce lieux de foi que leur présence honore, nous vantons leurs mérites et les portons aux nues.» Les louanges sont ponctuées par les sons du Davul (le tambour) et du Zuma (la flûte) , instruments de musique traditionnels qui de façon lancinante stigmatisent les combats. Les lutteurs de catégories et d’âges très différents (de 10 à 40 ans), portent le Kispet, sorte de pantalon corsaire en cuir de buffle ceinturé d’une corde et brodé de 58 mètres de coutures, cloutés d’acier, une véritable oeuvre d’art en soi. Le Peshrev, mot persan signifiant «marche en avant» permet aux lutteurs de s’échauffer, de se confronter après une série de gestuelles allégoriques, rendant hommage à Allah. Les Pelhivans sont prêts à combattre dans cette atmosphère hypnotique. Chaque lutteur doit positionner le torse de son adversaire vers le ciel en le soulevant, le déplaçant, le déstabilisant, avec beaucoup d’adresse et de rapidité, prises facilitées ou esquivées par l’onction de l’huile. Après des combats de quinze minutes, l’arbitre détermine les gagnants de la demi-finale et de la finale qui peut durer jusqu’à quarante minutes de combat, pour élire le vainqueur des Yagli Gures de l’année.
Depuis 1348, des dizaines de générations de lutteurs ont inspiré le respect des traditions et des valeurs religieuses, sportives et culturelles Turques, faisant de ce sport, unique en son genre, le symbole de la Nation.
Forts et beaux, archaïques et fiers, les héros que sont les Bashpelhivans, les idoles des myriades de provinces de la Thrace à l’Anatolie, sont les dieux authentiques de l’arène de Kirkpinar et les gouttes d’eau des sources des tombeaux D’Ali et Sélim .
Patrick Sarfati
Vignette et image : © Patrick Sarfati