© Dominique Issermann
Ce n'est pas un bassin
C'est un bâtiment rempli d'eau
Un lieu où l'eau se répand
La lumière pénètre par des fentes
Poignarde les blocs de pierre
Traçant sur les murs une carte
Le chemin où pendant trois jours
J'ai photographié Laetitia Casta
Dominique Isserman
L'exposition de Dominique Isserman à la MEP s'ouvre sur ces mots simples sur fond noir, dont Leonard Cohen signe la version anglaise. La célèbre photographe de mode a photographié le mannequin français Laetitia Casta dans des thermes construits par l'architecte Zumthor (prix Pritzker 1999) en Suisse. Le shooting, réalisé il y trois ans, n'a jamais été exposé avant aujourd'hui, et connait une magnifique édition chez Xavier Barral (voir image).
De ces 33 images soigneusement composées qui évoquent parfois certains traits de Ralph Gibson transparaissent une parfaite confiance entre les deux actrices de la session ; un abandon total du corps de Casta à l'objectif d'Issermann, qui réussit à disparaitre de la mise en scène, à ne plus exister que comme témoin invisible. Voluptueuse bien sûr, mais aussi intérieure, tour à tour intime et distante, révélée et invisible, Laetitia Casta nous fait presque oublier l'écart incompressible qui sépare l'image d'un corps de celle d'un être. Elle circule, habite les lieux, effleure ses parois, s'y baigne. Un climat que les lignes abstraites des thermes de Zumthor ne font que souligner en donnant au corps la mission d'incarner l'humain et de donner à voir la profonde énigme qu'il dissimule.
On retiendra en particulier deux images placées côte à côte, où Laetitia Casta s'allonge sur un banc de bois. Les contrastes profonds, les lumières soulignant les formes douces du mannequin alangui et tranquille, son visage caché à l'objectif, tout concourt à la force érotique de l'image. A ce moment, où lorsque sous l'eau les yeux fermés, elle passe les mains derrière sa tête, Casta n'est plus une actrice ou une top-model qui nage, mais la somme de beaucoup de rêves, la conjonction de doutes et de volontés dont un corps est le véhicule.
Antoine Soubrier, le 19 janvier 2012.
Du 17 janvier au 25 mars 2012, la Maison Européenne de la Photographie présente Laetitia Casta par Dominique Issermann. Un livre éponyme, publié aux éditions Xavier Barral, accompagne l’exposition.
Pendant trois jours Dominique Issermann a photographié Laetitia Casta, à Vals, dans les Thermes construits par l’architecte Peter Zumthor en Suisse. C’est un travail à deux, un pas de deux, une chorégraphie photographique. Ce projet fait suite au livre de Dominique Issermann sur Anne Rohart publié aux éditions Schirmer et Mosel en 1987.
Trois respirations, celle de Laetitia Casta dans l’émotion de la découverte, dans l’abandon à l’inconnu, celle de Dominique Issermann qui retient son souffle pour saisir les instants où Laetitia Casta s’inscrit, fugitive, dans le bâtiment, et celle de Peter Zumthor qui respire à travers les murs, les marches, les bassins, les couloirs.
Trente-trois photographies enroulées et déroulées, comme on forge une seule image, une image définitive de Laetitia Casta, archétypale, dans une nudité souveraine et libre.
Laetitia Casta est le dernier travail en argentique de Dominique Issermann.
© Dominique Issermann
27,5 x 34cm
72 pages
Noir&Blanc
58€
Sortie : janvier 2012
Vignette et images : © Dominique Issermann