Archives nationales Paris 87 rue Vieile-du-Temple 75003 Paris France
Depuis fin septembre et jusqu'à Noël, les Archives Nationales à Paris accueillent l'exposition Fichés, qui revient sur 150 ans de fichage d'Etat notamment photographique.
Le plus troublant de cette exposition, depuis les premiers "signalements" écrits et jusqu'aux photographies d'identité des années 60 que les Archives présentent, se joue en creux : toutes ces images n'auraient pas du nous arriver mais être détruites. Il s'agit donc d'images "interdites", passées entre les mailles des filets censés régir les politiques de fichages judiciaire, criminel, politique, médico-légal et empêcher que ces informations personnelles ne soient conservées, comme autant de failles de ces gardes-fous.
Le parcours se vit également comme un retour sur l'histoire de la photographie, les premiers doutes sur sa fiabilité, puis son utilisation quasi scientifique jusqu'à sa généralisation absolue dans le processus de repérage des individus. Au milieu de toutes ces grilles, méthodes et catégories, on s'arrête sur la fiche du contre-espionnage français sur Hitler, "le Mussolini allemand", sur des visages tuméfiés, contrits... Un trombinoscope méfiant et illimité des doutes intérieurs de la société française, en quelque sorte, qui vaut pour sa dimension pédagogique et les questions soulevées sur la continuité des politiques de fichages (dont on a tendance à souligner le développement actuel, ce à quoi l'exposition a le mérite d'apporter un historique), mais qu'on aurai aimé ressentir avec plus de force.
Antoine Soubrier, le 15 décembre 2011.
Jeanne B., 25 ans en 1912, opiomane
Lilian C., 29 ans en 1922, espionne
Marguerite G., 19 ans en 1922, fille soumise
Andronik E., 32 ans en 1926, apatride...
Quoi de commun entre ces individus? Ils ont tous été fichés. Dés le début du XIXe siècle, leur photographie figure dans un registre, dans un dossier, sur une feuille ou sur une fiche signalétique, où se trouvent par ailleurs consignées de très sommaires données biographiques. Généralement promis à la destruction, des millions de ces documents insignifiants qui forment ce qu’il est convenu d’appeler un « fichier » sont aujourd’hui conservés par les services d’archives, dépositaires de ces innombrables traces des multiples processus d’identification qui ont fait appel à la photographie. C’est à cette réalité documentaire que les Archives nationales consacrent à l’automne 2011 une grande exposition intitulée Fichés ? Photographie et identification du Second Empire aux années soixante.
Retraçant les étapes marquantes de cette histoire de l’identification à travers la photographie, des premiers essais maladroits du second empire jusqu’au recensement de 1960 en Algérie, plus de 2300 documents illustrent les conséquences de la Commune de Paris, l’invention de la photographie judiciaire par Alphonse Bertillon, les fichiers de la police judiciaire, de la sûreté de l’Etat et de l’administration pénitentiaire, les fichiers des passeports et des cartes d’identité. Les questions d’identité ne relevant pas des seules autorités de l’Etat, plusieurs fichiers d’associations et d’entreprises sont également présentés.
Au sein de cette multitude d’individus identifiés, les visages photographiés, aux regards tantôt inquiets, tantôt stupéfaits, fermés, séducteurs, insolents, parfois bouleversants, restituent à ces destins obscurs ou célèbres leur inaliénable dignité individuelle.
