© Lucas Haegeli
Les éléments architecturaux saturent l’espace photographique, s’imposent au regard. Murs d’usines, d’habitations, portions de rues, voies routières, asphalte apparaissent de façon récurrente, se répètent en de multiples motifs géométriques et constituent l’essentiel du sujet de cette série d’images. Lucas Haegeli a choisi de photographier les territoires urbains situés au-delà du périphérique. Il opte le plus souvent pour la frontalité du point de vue, pour mieux affirmer la recherche d’objectivité à laquelle il aspire.
Ses photographies ne laissent envisager aucune autre perspective que le bitume, aucune échappatoire. Nulle présence humaine ne vient y distraire le regard. Le spectateur fait face à un vide humain et à une saturation de l’urbain.
Après un début de parcours universitaire en philosophie, Lucas Haegeli, intègre l'école ICART photo en 2008, à vingt-deux ans. Influencé par la psychanalyse et l’architecture, il cherche à analyser des problèmes sociaux à travers les manifestations architecturales de l'homme, leur organisation et les problèmes urbains qui en découlent. Il opte pour une perspective documentaire. Afin d’atténuer toute interprétation de ses images liée à une quelconque affectivité, il préfère soustraire de son travail toute présence humaine.
A l’écart.
«Il y a la ville que l’on montre, celle qui est disponible au regard du monde, et celle que l’on cache, que l’on écarte. C’est en me baladant vers le Clos Saint-Lazare, La Courneuve, Orly, Aubervilliers, Nanterre, Vitry, que j’ai pu faire le constat visuel alarmant d’une société à double vitesse. D’un côté la classe moyenne, celle du Paris intramuros, et des banlieues bourgeoises, et de l’autre, une classe moins aisée, celle des quartiers mis à l’écart ». Lucas Haegeli
Autour de l'exposition, Le 29 vous propose, en présence du photographe, un atelier visant à attirer l’attention des enfants sur ce qui se trouve à l’écart dans la ville, sur ce qui n’est pas visible immédiatement.
L’atelier consistera en une balade pour photographier des détails que les enfants devront révéler, détourner : le samedi 5 novembre de 10h30 à 12h.
Lucas Haegeli nous fait percevoir la dureté de ces environnements, leur caractère hostile, pour mieux nous alerter sur les conditions de vie de leurs habitants. Il veut nous faire saisir le contraste abyssal qui existe entre le traitement architectural et urbain réservé à la ville et celui que ses périphéries connaissent.
Les espaces urbains en marge de la capitale subissent les affres du développement de la cité parisienne.
Ils accueillent les infrastructures nécessaires à son fonctionnement sans bénéficier de politique d’urbanisation. Ces photographies forment le contrepoint de l’imagerie d’un Paris pittoresque, que le photographe décide délibérément de toujours maintenir hors-champ. Elles constituent le document d’une radicale inégalité urbaine et sociale.
© Lucas Haegeli
Les lieux habituellement tenus « à l’écart », ignorés des citadins du Paris intra-muros sont minutieusement recensés par le travail photographique de Lucas Haegeli. Les subtiles nuances de gris en révèlent les moindres détails. Le bitume se craquèle, la végétation gagne du terrain. Grâce au processus photographique, une certaine poésie finit par naître de ces prises de vue, accroissant encore leur puissance critique.
Vignette : © Lucas Haegeli