Turin © Vincenzo Castella
Maison Européenne de la Photographie 5, 7 Rue de Fourcy 75004 Paris France
Depuis les années 90, Vincenzo Castella photographie les villes et aborde, dans des tirages couleur grand format, la complexité du tissu urbain par le biais des notions de distance et de dislocation. Parmi les villes photographiées figurent Naples, Milan, Rouen, Caen, Le Havre, Helsinki, Berlin, Ramallah et Jérusalem. La Maison Européenne de la Photographie, présente deux séries, l’une sur la ville de Turin et l’autre sur le nouveau Musée National de l’Automobile, à Turin également.
Les échappées imaginaires de Vincenzo Castella. Par le parti pris scénographique adopté, qui introduit le mouvement et met à contribution lumière, son et image, le Musée National de l’Automobile de Turin n’est pas un musée comme les autres. le visiteur baigne dans un univers synesthésique. Entraîné dans un voyage virtuel, il est invité à revivre l’extraordinaire odyssée d’une des plus importantes inventions du dernier siècle : l’automobile. Par un curieux paradoxe, c’est à un photographe du paysage urbain, Vincenzo Castella, qu’échoit le redoutable honneur de rendre compte par l’image de la spécificité de ce nouveau musée et de montrer les multiples avatars de sa collection. Pendant douze ans, l’artiste a documenté les plus grandes villes européennes avec une précision quasiment chirurgicale. Privilégiant les points d’observation les plus élevés, il réalise des vues presque panoramiques en couleur, suggérant l’autonomie du bâti.
Pour Castella, en effet, la ville échappe à toute tentative de planification, elle se déploie en toute liberté, à l’insu même de ses habitants. Dans cette perspective, l’artiste a apporté à la photographie d’architecture une vision nouvelle, celle d’un tissu urbain, qui, tel une matière vivante, se reproduit selon des lois qui lui sont propres et sur lesquelles l’homme semble avoir peu de prise. Naturellement, la liberté de la ville ne se retrouve pas dans le Musée National de l’Automobile de Turin, où la conception architecturale a, en revanche, poussé à concevoir et à maîtriser tous les composants. Face à ces extrêmes, l’artiste a totalement modifié sa démarche. Grâce à l’emploi de lentilles et d’objectifs anciens, il a pénétré dans la scénographie de la collection d’une manière inattendue et, dans une sorte d’abstraction lyrique, il a revisité l’identité des objets devant lui. Le profil de l’automobile, son carénage, ses attributs les plus rutilants se dissolvent alors dans une forme colorée proche du rêve et de l’imaginaire.
Musée National de l’Automobile, Turin © Vincenzo Castella
Turin © Vincenzo Castella
Le travail que Vincenzo Casella accomplit sur le Musée National de l’Automobile fait émerger le double regard qui s’établit chaque fois qu’un nouveau lieu de culture naît dans une ville. Cette double vision, à partir du musée et vers lui, constitue la structure fondamentale d’un récit qui recueille aujourd’hui tous les témoignages, depuis sa création jusqu’aux modifications ultérieures. Le nouvel espace, qui se détache du cadre par sa forme, sa matière et sa couleur, sert aussi bien de point de repère à ceux qui arrivent de la ville populaire du début du XXe siècle, qu’à ceux qui viennent de la zone dédiée à la naissance de la République, Italia’61.
Le Pô, au pied des collines, offre lui aussi un autre horizon au musée. C’est dans ce jeu d’associations et de substitutions permanentes des divers cadres que l’on retrouve les différentes identités de Turin, et, si les maisons populaires évoquent directement la vie autour de l’usine, caractéristique d’une ville dont le développement a suivi celui de l’industrie, le fleuve et le réaménagement en espaces verts de la zone vouée aux célébrations reflètent les transformations durables qui, aujourd’hui plus que jamais, racontent les défis de la ville. Sans nul doute, l’élaboration d’un espace tel que le Musée National de l’Automobile, extraordinaire conjonction de mémoire et de progrès, en est un.
A l’intérieur du musée, à travers des points de vues obliques, Castella utilise son appareil photo pour associer la nouvelle architecture avec des parties de voitures et de moteurs. Entre l’intérieur et l’extérieur, entre les parties anciennes et récentes, s’instaure une complicité qui fait naître des zones de contact, dès lors qu’une opération culturelle tient compte du passé, en le transformant en présent et en futur.
Adele Re Rebaudengo & Jean-Luc Monterosso
Vignette : Turin © Vincenzo Castella