© Portrait de Lucius Verus, Olivier Roller
Musée de la photographie André Villers Porte Sarrazine F-06250 MOUGINS VILLAGE France
A chaque époque, son mode de communication. Afin de faire partie de l’univers des citoyens et de rentrer dans la culture de chacun d’entre nous, le monde actuel et notamment la sphère politique, utilise le média photographique. A force de reproduction et de diffusion, nos responsables deviennent des personnages singuliers, identifiables au premier regard. L’importance des clichés est primordiale. A travers ceux-ci, se propage instantanément l’idéologie et, de la qualité des images, dépendent force et crédibilité.
Cette pratique tire sa source dans l’Antiquité. L’affirmation du pouvoir passait alors par le portrait sculpté. Marbre et ronde bosse ont précédé papier glacé et éclairage. Ce procédé consistant à déployer l’effigie des dirigeants sur l’ensemble du territoire a abondamment été employé par Rome, la civilisation des grands empereurs. Il s’agit donc pour cette exposition de tisser le lien entre la technique actuelle du portrait avec celle de son ancêtre. Aussi, pour la Ville de Mougins, l’occasion se présentait de saluer l’ouverture au public du nouveau Musée d’Art Classique. Grâce à Olivier Roller, celle-ci a été brillamment saisie.
Olivier Roller est reconnu pour être l’un des plus talentueux portraitistes actuels. Son sujet de prédilection est le monde politique. Il parcourt également les plus grands musées du monde afin de donner une nouvelle vie aux grandes sculptures antiques dont la force qui en émane fascine le photographe. Si l’on dénombre beaucoup d’analogies entre ces deux formes d’expression, un critère est complètement absent du registre d’Olivier Roller, celui de l’idéalisation. En effet, les portraits de figures politiques actuelles sont sans complaisance. Avec son éclairage froid il tend à se rapprocher le plus possible de la vérité du personnage.
Accepter d’être portraituré par Roller est donc devenu une épreuve que certains de nos dirigeants redoutent tout en considérant cette rencontre frontale comme une joute. Il aime jouer avec son modèle, le scrutant parfois comme une bête curieuse, n’hésitant pas la proximité inattendue. Le résultat est forcément surprenant. Ces portraits à l’expressivité brute de décoffrage incitent à nous poser des questions sur la nature des hommes politiques. Pourquoi, à compétence, diplôme, origine sociale, réseau et même volonté de même type, certains parviennent-ils à franchir les portes les menant aux arcanes du pouvoir ? L’énergie qui se dégage de leur personne n’est pas loin d’être la clé d’un mystère qui se dévoile après chaque élection ou nomination.
Nous entrons ici dans le domaine de l’irrationnel, domaine pour lequel la photographie et notamment celle d’Olivier Roller gravite avec la plus grande des aisances. De l’irrationnel, il en forcément question lorsque l’on évoque la civilisation romaine puisque l’on accordait autant d’importance à l’effigie des empereurs qu’à eux même.Il n’est pas étonnant alors que l’une des premières préoccupations des empereurs, une fois arrivés sur le trône, était de faire réaliser leur effigie. Le temps de réalisation et de diffusion sur l’ensemble du territoire était estimé à cent jours, période durant laquelle, leur pouvoir n’était pas totalement affirmé et donc propice à une certaine forme d’instabilité. L’importance de l’image était donc à l’époque déjà considérée comme primordiale.
Des empereurs romains, le plus grand démiurge fut sans doute Auguste, le premier d’entre eux. Il a crée un empire à son image, reconfigurant complètement la ville en créant des forums, et des temples et des basiliques. Ces réalisations d’une ampleur jusque là encore jamais vue, s’accompagnait d’une grande campagne de déploiement de sa propre image durant les quatre décennies de son règne.
Benoit Devarrieux de la série Publicitaires © Olivier Roller
Auguste s’est inspiré de son aïeul, César, qui, s’il n’était pas véritablement empereur a laissé une trace indélébile dans l’histoire ainsi que sur le territoire français. Il n’est donc pas étonnant qu’il soit présent au sein de cette exposition. Il est entouré d’autres empereurs Lucius Verus ou Caracalla.
Au sein de cette galerie de portraits, nous retrouvons hommes politiques d’avant hier et d’aujourd’hui, et des publicitaires ayant concouru à l’explosion médiatique. Ces derniers ont tissé le lien existant entre le pouvoir et la population, sont devenus incontournables dans la vie publique et politique au point de se voir attribuer l’étiquettte de quatrième pouvoir...
Vignette : © Portrait de Lucius Verus, Olivier Roller