
© Nils Nova
Photoforum PasquArt Seevorstadt 71-75 faubourg du Lac CH-2502 Biel Bienne Suisse
Nils Nova (1968, vit et travaille à Lucerne) présente pour son exposition personnelle au PhotoforumPasquArt des travaux réalisés spécifiquement pour le lieu d’exposition. Des photographies des espaces, grandeur nature et judicieusement placées, transforment radicalement les lieux. Des représentations de l’atelier de l’artiste s’y ajoutent encore. Surgit ainsi la question de l’identité des espaces, voire de celle de l’artiste qui se met aussi en scène dans sa propre exposition. Une expérience perceptive d’un type particulier attend ainsi le visiteur.
L’un des matériaux de base des travaux artistiques de Nils Nova, depuis ses débuts, est l’espace d’exposition mis à sa disposition. Placées au mur ou sur des panneaux, ses photographies des espaces, grandeur nature, lui permettent de redoubler un espace, de l’agrandir, de le rétrécir, de lui conférer des ouvertures supplémentaires, de lui ajouter des angles... Le contenu des expositions de Nils Nova correspond ainsi à son contenant. Mais le plasticien ne cherche pas uniquement à créer l’illusion parfaite d’un nouvel espace, ce qui l’intéresse est bien plutôt le moment de l’incertitude de la perception, ce moment où tout peut basculer. L’artiste nous fait perdre tout repère, en crée de faux, en digne héritier du baroque.
Avec Entrée, Nils Nova transforme radicalement la cage d’escalier du bâtiment, l’ouvrant sur une profondeur. Inclination fait ensuite basculer la salle ouest du PhotoforumPasquArt. Le sol monte sur le mur, des fenêtres s’ajoutent; toute l’architecture semble se décaler, faisant perdre au visiteur ses repères habituels et presque l’équilibre. Dans Traversée, Inversion et Déplacement, Nils Nova intègre pour la première fois l’espace de l’atelier, l’espace privé de production, de travail. Ce dernier se retrouve présenté dans l’espace public d’exposition - prévu pour être l’espace de présentation, de monstration du travail produit en atelier. Ces deux espaces sont mis sur un pied d’égalité. Dans la vidéo Traversée, le spectateur est transporté de l’espace d’exposition à celui de l’atelier, sans presque s’en rendre compte. Nils Nova passe en effet de l’un à l’autre, montant son film comme il monte ses expositions, se jouant au mieux de nos habitudes de continuité de la perception, de vision perspective, par d’habiles et subtiles ruptures. La peinture murale d’Inversion propose une réinterprétation à l’excès de ce qui fait la spécificité des murs d’un atelier de peintre : une accumulation de coulures de couleur. Déplacement montre l’espace de l’atelier réduit à une maquette simplifiée. Même l’espace de production se vide de ses objets, pour n’intéresser l’artiste plus qu’en tant qu’espace et devenir à son tour objet d’exposition. Avec Déplacement, Nils Nova introduit la notion d’échelle réduite, ainsi qu’avec Rotation. Ces deux constructions rendent une (fausse) tridimensionnalité aux reproductions en réduction qui y sont collées. Paradoxalement, Rotation consiste en une sorte de grand paravent ou de dépliant géant (plus de deux mètres de haut). Ces deux œuvres sont aussi des condensés qui permettent d’appréhender un espace en un seul moment ou presque. Une attention est encore portée aux détails architecturaux du lieu, donnant naissance à des photographies aux motifs quasiment abstraits (Reliefs).
Nils Nova procède de différentes manières, avec des variations, pour transformer les espaces: le basculement, vertical ou horizontal, la condensation des espaces, la dilatation, le redoublement... Ce dernier mode opératoire est « doublement » intéressant si on le relie aux travaux où l’artiste se met en scène lui-même en tant que double, se présentant en un côte à côte ou un face à face réflexif qui force la parité. Après Luis Buñuel (Luis & Nils, 2001) ou Elvis Presley (Elvis & Nils, 2007), le dernier double en date est celui de Georges Braque (Confrontation). Si la ressemblance physique avec les deux premiers saute aux yeux, dans le cas de Georges Braque elle est fortuite, découverte à l’occasion d’une unique photographie trouvée dans un ouvrage sur l’artiste. La lecture d’un ouvrage sur Georges Braque n’est en revanche pas de l’ordre du hasard, la représentation de l’espace étant au cœur des préoccupations du chef de file du cubisme. Ces troublantes ressemblances physiques réitèrent le même type d’incertitude de la perception éprouvé dans les espaces transformés. Avec cette notion de double, le plasticien touche également du doigt la question de l’identité, de sa propre identité. Qu’il s’agisse de sa propre identité ou de celle des espaces dans lesquels il intervient, Nils Nova adopte une posture qui lui permet de les placer dans une perspective « renovalée ».
Rencontre avec l’artiste - Présentation de la monographie : 13 Août 2011, 16 heures. Animée par Hélène Joye-Cagnard, commissaire de l’exposition.