Dans Le mélange des genres, Martin Parr revient auprès de Quentin Bajac, conservateur de la photographie au Centre Pompidou à Paris, sur 40 ans de carrière.
Au long de l'entretien, le photographe anglais affirme une pratique de la photographie libre, à la fois réjouissante et consciente. A mille lieux de l'héroïsme habituel des récits de photojournalistes, Martin Parr raconte comment il s'approprie les stations balnéaires anglaises, les circuits du tourisme de masse international, la mode et le luxe, zones traversées d'une énergie éminemment contemporaine et d'une force colorée qu'il capte comme William Eggleston et Stephen Shore avant lui. Cette originalité, ce registre pop parfois taxé de cynisme, lui valent de déclencher une guerre chez Magnum où il est candidat en 1994 : alors que les uns promettent de démissionner si Martin Parr est admis, les autres annoncent qu'ils quitteront l'agence si Martin Parr n'est pas accepté. Au terme d'une candidature épique (où l'on va chercher la signature d'un photographe sur son lit d'hôpital), il intègre finalement, jusqu'à devenir aujourd'hui, selon ses propres mots, une « bonne source de revenus pour l'agence».
Parfois nonchalamment provocateur - «l'autre inconvénient de la guerre, c'est le manque de confort. J'aime bien manger le soir, dormir dans un lit correct, pourquoi irais-je dormir dans un champ, dans la boue ?», Martin Parr est pourtant loin d'être naïf ; ses activités dans le monde de la photographie en font une des personnalités les plus actives, à cheval entre le reportage, le commissariat d'exposition et l'édition, et son style immédiatement reconnaissable inspire aujourd'hui de nombreux photographes contemporains. La composante de son travail qui s'intéresse à la photographie vernaculaire, aux photos trouvées et aux cartes postales, trouve également un large écho dans l'actualité curatoriale.
Anecdote de parcours : au moment d'intégrer Magnum, Martin Parr reçoit un mot de Cartier-Bresson, prophète de l'«Instant Décisif», illustre co-fondateur de l'agence. « Vous ne venez pas de la même planète», lui indique le billet avec mépris. A voir les photos de Martin Parr cependant, on est frappé par leur vivacité, la facilité avec laquelle elles sont reçues et ce sentiment qu'elles procurent d'être en prise directe avec le réel, tout en affectant de n'en montrer que la surface.
Une lecture instructive qui revient également sur l'apparition de la photographie documentaire britannique des années 90 (Paul Graham, Paul Seawright…). A compléter par le blog de Martin Parr : http://www.martinparr.com/blog/ .
Antoine Soubrier
Note de la rédaction (/5) :
19,90 € / 128 pages / 160 x 210 mm / Broché / 50 photographies / Editions Textuel