© Marc Gibert
"Apparition, dissolution
La lande roussie, mollement ridée par une brise établie, - un vent frais, bon plein. Le banc de granit face à la baie de Lampaul invite à la rêverie. On est à Ouessant, loin de son rail, du tumulte des flots, du terrible clapot de la mer d’Iroise : pas un assez gros temps pour rendre héroïque l’Enez Eussa ou le célèbre Fromveur.
Nulle jetée battue, nulle déferlante sur les pylônes du Nividic, nul éclat du Creac’h ou du Kéréon, nulle aiguille de Porz Kinzy : les images de Marc Gibert pourraient être décevantes tant elles ignorent le romantisme des nuées, de l’écume et des fortunes de mer.
À quoi bon re-présenter l’Ile sentinelle ?
Ici, en quelques photographies aux couleurs rares, Marc Gibert libère une observation rigoureuse : de ses vedute raffinées émanent une langueur paisible aux accents parfois austères. Comme un théâtre vaste et venté, un lieu clos et borné de flots, un territoire de simulacres, l’île décline naturellement ses “unités”.
Le décor de ce bout de fin de terre où tout est arasé, tout y est rendu modeste par les vents constants. Le photographe arpenteur des landes plus que des chemins côtiers s’accroche à la moindre aspérité, au moindre obstacle : compose le pignon, les trapus murets de pierre, la couleur d’un amer, le rocher émoussé ou LE chêne de l’île. Les délices de cette découverte d’un plat paysage subtilement parcheminé de maigres artefacts rendent “le tourmenté” hors sujet.
Ce n’est cependant pas une posture de la part de Marc Gibert. Il ne boude pas dans ses recherches la haute dimension océane. Ses images nous disent beaucoup de ce territoire singulier, ici les îliens n’ont pas bâti de maison baies vitrées ouvertes sur le large.
On comprend qu’il faut se laisser emporter par les hors saisons et par de longues périodes de quête photographique pour restituer les lumières blafardes qui “sentent” l’intérieur des terres et l’enrochement granitique.
De même, cette observation, toute de finesse, qui échappe aux poncifs des corps solides des îliens, des visages burinés, des barbes empipées et des suroîts capelés. Les portraits de Marc Gibert, qu’il apparie à des détails indiciels du territoire, fondent une topographie des figures l’effacement, l’apparition ou la dissolution dans le paysage.
C’est peut-être cela la vérité du lieu ?"
Dominique Gaessler
© Marc Gibert
© Marc Gibert
Ce travail à Ouessant a été entrepris par Marc Gibert en 2008. Sans anecdote, sans souci documentaire, l’écriture du lieu et de sa couleur évite l’inventaire et ses conséquences. Elle se concentre, au hasard des rencontres, sur une poétique de mises en scène où le sujet n’est pas où on l’attend. Marc Gibert est membre du collectif le bar Floréal . photographie.
Une résidence d’artistes a été attribuée à Marc Gibert et Isabelle Jégo par le conseil général du Finistère pour la période du 1er au 31 juillet 2011. Cette résidence au Sémaphore du Créac’h permet de finaliser le projet et de rencontrer les habitants et les associations de l’île.
Le temps de résidence est actuellement mis à profit pour créer un site web : http://www.en-ile-ouessant.fr . Ce site permet de diffuser les photographies déjà réalisées et des nouveaux contenus.
Un livre coédité par Trans Photographic Press et le Centre Atlantique de la Photographie, avec un texte d’Olivier Py, auteur, metteur en scène et directeur du théâtre de l’Odéon, est envisagé d’ici la fin de l’année.
Ce projet est porté par le Centre Atlantique de la Photographie à Brest. Le Conseil général du Finistère, qui a octroyé la résidence artistique, a également décidé d’une aide financière à l’édition du livre. Le projet a reçu l’aide des “Gens de Mer, Hôtels, Restaurants”. La production de l’exposition a reçu l’aide de la société Canson.
Le projet est soutenu par le Parc naturel régional d’Armorique et la Mairie d’Ouessant.
© Marc Gibert
Plus d'informations: http://www.en-ile-ouessant.fr