Vignette : © Michaël Dupperin
Epicerie-Galerie Est/Ouest 68 Rue De Chartrouse 13200 Arles France
Ma première photographie est celle d’un mort. Je n’ai jamais connu cet oncle qui fut pourtant l’une des figures centrales de mon enfance. Je ne sais combien de temps je suis resté absorbé par ce portrait serti dans un médaillon posé sur le casier à musique dans la chambre de mes parents. Cette exposition réunit deux séries intimement liées à cette expérience et qui parlent pourtant d’autre chose. Nous n’en avons pas fini de mourir (2005-2008).
Pompéi, 79 après JC : le Vésuve entre en éruption. En quelques heures la ville est recouverte par une couche de cendres. Les matières organiques se sont décomposées, mais le sol a gardé leur empreinte. Au XIXème siècle, un archéologue eut l’idée de développer ces « négatifs » : lorsque les fouilles rencontraient un vide, on y coulait du plâtre, que l’on laissait sécher avant de démouler.
Je vois dans ces moulages une métaphore de la photographie : l’image restée latente pendant des siècles étant ainsi révélée. J’ai été bouleversé par les moulages des corps, frappé par l’expressivité des attitudes et des visages. J’y ai reconnu des semblables, vivants jusque dans la mort. Les tombes vides, à ciel ouvert, de l’abbaye de Montmajour me regardent. Elles m’indiquent de façon obsédante le trou auquel aucun n’échappe.
Pas tant celui du tombeau l’incinération l’esquive aisément que le réel de la mort qui troue nos consciences et toute capacité de représentation. Elles me rappellent la présence de la mort dans la vie, et de la vie dans la mort. Mort dont l’Occident contemporain a fait un tabou qu’il occulte. Montmajour est la suite logique, le négatif de Pompéi.
Pompéi étant le moulage et le présent éternisé du mourir, et Montmajour, le moule et le passé revenant. Si les portraits de Pompéi s’apparentent au tragique, les images de Montmajour relèvent davantage d’une catégorie dont nous avons oublié les effets bénéfiques, jusqu’à souvent la confondre avec le morbide. Il s’agit du macabre, ce grand éclat de rire grinçant, s’amusant et s’effrayant des oripeaux cadavériques de la mort, comme des revenants de nos terreurs enfantines.
Vignette : © Michaël Dupperin